"Le 21 mars à 03H00 du matin, je me mets en action avec mes équipiers à proximité du domicile de Mohamed Merah".
A la barre des témoins, celui qui est aujourd'hui contrôleur général de la police nationale, athlétique, cheveux poivre et sel, entame dans une salle d'audience silencieuse le récit, vu de l'intérieur, du siège de l'appartement de Mohamed Merah à Toulouse, suivi en 2012 par les médias du monde entier.
"Nous pensions le surprendre dans son sommeil", dit-il, mais, échappant à la surveillance d'agents de la DCRI (renseignent intérieur) et de la police judiciaire qui surveillaient son domicile, Merah était sorti de chez lui pour revendiquer ses actions auprès de chaînes de TV. Il venait tout juste de rentrer, il était donc réveillé.
"L'appartement de Merah était à l'entresol. Sur sa porte, nous installons un dispositif d'ouverture avec un vérin hydraulique. Mais, à peine la porte est-elle entrouverte, qu'une main armée apparait et tire. Nous opérons un repli tactique et mettons en place un dispositif pour bloquer toute sortie. A cette heure, l'immeuble est encore plein de voisins endormis", raconte le témoin.
"A travers la porte, Merah reconnait immédiatement être l'auteur des faits: +Vous avez vu ce que j'ai fait aux militaires et aux enfants juifs de l'école+. Plusieurs dizaines de coups de feu sont tirés dans notre direction. Il est 03H15 et le premier de mes hommes est touché au genou".
"+Je vous attends+", dit Merah. Nous tentons de récupérer le vérin sur la porte. Un deuxième homme reçoit un projectile sur son casque, un troisième est touché à l'épaule", poursuit Amaury de Hauteclocque.
"La mort, je ne la crains pas"
"Nos instructions étaient de prendre Mohamed Merah vivant. A 06H00 du matin, je réquisitionne un appartement pour un PC opérationnel".
"Une négociation s'engage, nous parlons dans un mégaphone, il répond à travers la porte. Notre but, faire baisser la pression, obtenir sa reddition. Nous lui fournissons un talkie-walkie, en échange, il nous donne une arme, un 357 magnum, il est alors 07H00".
"Merah a envie de revendiquer ses actes, de faire un testament politique et religieux. On enregistre ses propos".
"Il nous raconte son parcours, son séjour en Afghanistan où il voulait se faire capturer par les talibans pour leur déclarer sa flamme, son voyage au Pakistan où il tombe sur des talibans qui vont lui donner une formation sur mesure. Il leur dit préférer les armes de poing aux explosifs. On lui propose une opération à Islamabad (Pakistan) ou d'attaquer une ambassade à Paris, il décline, préférant agir dans sa région. Le mieux, lui dit-on, c'est que tu retournes chez toi et tues le maximum de Français", relate le témoin.
"Merah s'exprime correctement, il veut laisser l'image de quelqu'un de respectable, de religieux et de réfléchi. Il justifie les attaques contre les militaires par la présence de la France en Afghanistan et les enfants juifs parce qu'Israël tue des palestiniens".
"Pendant que le négociateur parle, je fais évacuer l'immeuble. Une heure limite d'intervention est fixée au 21 mars 23H00".
"+La mort, je ne la crains pas, je la souhaite (...)+ dit Merah qui coupe son talkie-walkie à 22H45. Toute la nuit, nous lui envoyons des grenades sonores pour le fatiguer. Il tire des coups de feu puis le silence s'installe".
"Vers 10H30 un groupe se met en place devant la porte et un autre passe par le balcon à l'aide d'une échelle sous la protection de snipers. Dans l'appartement, Merah est dans 20 cm d'eau. Impossible de faire passer des chiens détecteurs d'explosifs", explique l'ancien patron du RAID.
"Le premier groupe entre dans l'appartement et tombe sur un amoncellement de mobilier dressé pour ralentir sa progression. A 11H15, pas de réaction de Merah. Il était dans la salle de bain. Il sort, puis effectue des va-et-vient entre l'équipe de la porte et celle du balcon. Un troisième policier est blessé au cou. Merah se dirige vers la fenêtre du salon et tire au hasard sur les policiers, faisant un quatrième blessé. Voyant qu'il n'y a pas d'autres solutions, un sniper tire, Merah bascule par dessus le balcon", conclut-il.
Interrogé par des avocats, le super-flic a estimé qu'il n'était pas possible de prendre Merah vivant car "il voulait mourir face à la police". "Je n'ai pas connu d'opération avec une négociation aussi longue et autant de blessés". "Elle a servi de référence pour modifier nos procédures. Désormais, on progresse jusqu'à l'objectif", a expliqué l'ex-patron du Raid qui dit aujourd'hui "ne rien regretter".
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