Parmi les favoris du prix Nobel de la paix figuraient les artisans de l'accord conclu en 2015 pour éviter que Téhéran ne se dote de la bombe atomique, notamment John Kerry, alors chef de la diplomatie américaine, et Mohammad Javad Zarif, toujours ministre iranien des Affaires étrangères.
Une telle récompense aurait sonné comme une gifle au président américain, résolument hostile à ce pacte voulu par son prédécesseur démocrate Barack Obama.
Avec le choix de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), "le message est plus subtil et indirect" mais reste "une incitation à préserver l'accord iranien", dit à l'AFP Melissa Dalton, du Center for Strategic and International Studies.
D'autant que la directrice de l'ICAN, Beatrice Fihn, a pris soin de faire le lien avec Donald Trump et a vanté les mérites de l'accord iranien.
Mais ce Nobel fera-t-il changer d'avis le président républicain, qui a qualifié l'accord d'"embarras" pour les Etats-Unis et a réaffirmé jeudi soir que Téhéran en violait "l'esprit"? "Je ne crois pas qu'il y ait encore une marge à ce stade pour influencer la Maison Blanche", déplore Melissa Dalton.
Selon plusieurs responsables interrogés par l'AFP, Donald Trump s'apprête donc, "dans les prochains jours", à refuser de "certifier" devant le Congrès le respect par Téhéran de ses engagements.
La loi américaine l'oblige à une telle certification tous les 90 jours, la prochaine échéance tombant le 15 octobre au plus tard. Une "non-certification", donnée comme acquise par la quasi-totalité des observateurs, serait un coup dur pour l'accord signé par Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) pour garantir le caractère exclusivement civil et pacifique du programme nucléaire iranien.
'Mistigri'
Un coup fatal? Plusieurs responsables, au sein de l'administration Trump, assurent qu'une non-certification ne reviendrait pas à "déchirer" le texte. La balle tomberait dans le camp des parlementaires américains, qui auraient 60 jours pour décider s'ils ré-imposent, ou non, les sanctions contre Téhéran levées dans le cadre de l'accord -- un retour de ces sanctions signerait, lui, sa mort politique.
"Nous avons dit à l'administration: certification ou pas, ce n'est pas notre problème, c'est de la politique intérieure américaine", explique un diplomate occidental. "Mais attention à une démarche qui mettrait l'accord en danger."
Téhéran, les Européens ainsi que Pékin et Moscou ne veulent pas le renégocier et assurent que le texte porte ses fruits.
La bataille s'est donc déjà déplacée au Congrès. "Les élus républicains ne sont pas très contents à l'idée de récupérer le mistigri, ils aimeraient ne pas être responsables d'une crise internationale et de nombreux sénateurs cherchent une voie de compromis pour ne pas tuer l'accord", veut croire le diplomate occidental.
Mais la non-certification va ouvrir une période à hauts risques, car une poignée de faucons, menés notamment par le sénateur républicain Tom Cotton, sont à la manoeuvre pour défendre une ligne très dure.
Le message du Nobel tombe donc peut-être à point nommé "et va être certainement reçu par le reste de la communauté diplomatique américaine et au Congrès", espère la chercheuse Melissa Dalton, soulignant que des personnalités influentes, comme le ministre de la Défense Jim Mattis, veulent préserver l'accord d'une manière ou d'une autre.
De nombreux dirigeants étrangers s'inquiètent aussi des conséquences d'une mise en cause de l'accord iranien sur l'avenir des ambitions nucléaires nord-coréennes, au coeur d'une des plus graves crises internationales actuelles comme l'a relevé le comité Nobel.
Alors que Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un échangent accusations et menaces depuis plusieurs semaines, la directrice de l'ICAN a dénoncé vendredi les "déclarations enflammées" qui "pourraient tous nous conduire très facilement, inexorablement, vers une horreur sans nom".
D'autant que l'attitude américaine sur l'Iran "est perçue comme un message très clair" par Pyongyang: "on ne peut pas faire confiance aux Etats-Unis", prévient la chercheuse Jung Pak, de la Brookings Institution. "Kim n'a aucune raison de penser qu'un éventuel accord avec les Etats-Unis survivrait à un changement d'administration", estime-t-elle.
Mais là aussi, les détracteurs de l'accord iranien ont une autre lecture. "Certifier l'accord désastreux avec l'Iran montrerait aux Nord-Coréens que nous n'avons pas vraiment envie de nous confronter à eux", met en garde le sénateur Tom Cotton.
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