Les données ne sont certes pas les mêmes: les Bleus de 1993 n'avaient besoin que d'un point lors de leur ultime match de qualifications pour aller à la "World Cup" américaine, alors que ceux d'aujourd'hui possèdent un point d'avance sur la Suède, avant d'aborder leurs deux derniers matches en Bulgarie et face au Belarus sur la route du Mondial-2018 en Russie.
Mais l'enjeu est similaire. Et l'embarrassant 0-0 contre le Luxembourg, début septembre, évoque un peu l'incroyable défaite 3-2 contre Israël lors du match précédant le fameux France-Bulgarie de 1993...
"Ce reste une page bien triste et bien noire. Il y en a eu d'autres, plus joyeuses derrière", a témoigné Deschamps lundi, en pointant aussi "un autre contexte". Lui qui était en larmes sur la pelouse il y a 24 ans.
Car 11 ans après le traumatisme de Séville et la demi-finale perdue aux tirs au but face à la RFA au Mondial-1982, 17 ans avant le fiasco de Knysna et la grève d'entraînement au Mondial sud-africain, ce 17 novembre 1993 a marqué à jamais, et au fer rouge vif, la mémoire du foot français.
"L'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurai", crache benoîtement la sono du Parc des Princes (le tube de Joe Dassin), avant ce match face à l'équipe de Hristo Stoichkov. Les Bleus mènent même 1-0 dès la demi-heure grâce à Eric Cantona, avant une égalisation de Kostadinov cinq minutes plus tard.
'Crime'
Arrive la 90e minute. "Personne ne voulait aller au ballon, j'ai joué le coup franc en mettant le frein à mains, à deux à l'heure, pour gagner du temps", raconte à l'AFP l'ex-milieu Vincent Guérin, entré pour les dix dernières minutes.
"La seule option à ma disposition, c'est David (Ginola) qui me demande le ballon. Il a la tête dans le gazon, avec l'idée de provoquer et de donner le ballon à Cantona pour marquer". Son centre est trop long, et la contre-attaque bulgare fulgurante, achevée par une frappe puissante de Kostadinov qui percute la barre et vient mourir dans les filets de Bernard Lama (1-2).
Dans le vestiaire, "pas de son, plus un bruit. C'est la désolation. Un ouragan est passé", se souvient Guérin.
La suite vire au psychodrame: le sélectionneur Gérard Houllier accuse Ginola d'avoir commis "un crime contre la cohésion et l'esprit d'équipe". "L'élimination elle est là, elle est dans ce dernier ballon qui vole entre le point de corner et le but de Bernard Lama", lance-t-il aussi. Un différend poursuivi devant les tribunaux longtemps après.
Houllier démissionne le 25 novembre. La nomination le 17 décembre de son adjoint, Aimé Jacquet, referme une année 1993 terrible pour le foot français, également marqué par l'affaire de corruption VA-OM.
"Je n'ai pas bien vécu ce qui s'est passé sur le terrain et après. Je suis un peu parti avec l'eau du bain, alors que je représentais l'avenir", note auprès de l'AFP Emmanuel Petit, arrière gauche sur ce match.
'Gâchis'
Dans l'immédiat, la purge est pourtant limitée: lors du premier match de l'ère Jacquet (victoire en amical 1-0 contre l'Italie en février 1994), six titulaires sont reconduits (Lama, Desailly, Roche, Deschamps, Le Guen, Cantona), tandis que trois autres déclinent la sélection (Blanc, Sauzée et Papin).
Mais le groupe évolue rapidement. Sur les 22 joueurs de l'Euro-1996, 10 seulement figuraient sur la feuille de match du funeste France-Bulgarie. Absents notables de ce tournoi achevé en demi-finale: Jean-Pierre Papin, en fin de carrière, Cantona et Ginola, choix forts de Jacquet.
Cinq "survivants" (Lama, Desailly, Blanc, Petit, Deschamps) triompheront même lors du Mondial-1998 et de l'Euro-2000.
"C'est un gâchis, parce qu'on avait une génération exceptionnelle. Entre 1990 et 2000 on a peut-être eu les plus belles générations du foot français", regrette Guérin.
"En 1988 on avait été champions d'Europe Espoirs, les seuls en France, avec les Cantona, Roche, Angloma, Blanc, Sauzée, Silvestre, moi... On a été une génération jetée à la poubelle. Et quand on voit le parcours de la Bulgarie au Mondial-1994, demi-finaliste, il y a de quoi avoir des regrets", ajoute-t-il.
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