Dans un décor hypnotique noir à pois blancs rappelant le braille et les difficultés visuelles, quatorze danseurs, dont six non-voyants, se déhanchent parfois jusqu'à la transe aux sons électro et pop acidulée des années 80.
Leurs cannes blanches, qui leur servent habituellement à se déplacer, se transforment en accessoires de danse, éléments de balançoires, pendules, taxis ou autre laisses de chiens-guide dans une débauche de couleurs flashy et d'énergie communicative.
Difficile parfois d'avoir l'oeil pour repérer les danseurs non-voyants de la troupe dans cette frénésie.
"A cause de leur différence, consciemment ou non d'ailleurs, on met d'office des gens dans des cases, on les enferme dans des stéréotypes. (...) Je veux montrer qu'on peut être ensemble, et être bien ensemble, en laissant de côté nos différences et les préjugés qui vont avec. Tout est une question d'état d'esprit", explique la chorégraphe Eun-Me Ahn, présente aussi sur scène et reconnaissable à son crâne rasé.
Des témoignages sur la dureté de leur quotidien dans les mégalopoles coréennes entrecoupent aussi les parties dansées, sans pathos.
"Quand ils dansent, de la beauté se dégage. Ils ont une énergie, c'est comme une floraison", souligne cette star excentrique et iconoclaste de la scène asiatique.
Créatrice également de ses vêtements et des costumes les plus kitsch du spectacle, elle ose tout sans peur du risque, "sinon on n'a qu'à rester chez soi", ni souci de la perfection millimétrée de la part des danseurs aveugles "tant qu'ils ressentent du plaisir".
"Danser, c'est la liberté pour nous, une chose ordinaire. Mais les personnes aveugles n'ont pas cette chance. On leur offre cette liberté sur scène, sans que ça soit dangereux", ajoute la chorégraphe de 54 ans imprégnée des traditions chamaniques de son pays.
Tête d'affiche lors de l'année France-Corée (2015-2016), celle que l'on présente comme la "Pina Bausch de Séoul" - la chorégraphe allemande était l'une de ses amies-, a chorégraphié la cérémonie d'ouverture de la coupe de monde de football à Daegu en Corée du Sud en 2002.
Aimant particulièrement les trilogies (le chiffre 3 est "symbole d'harmonie" en Asie), elle a déjà fait danser des amateurs à différents âges de la vie, dont des grands-mères dans le très remarqué "Dancing Grandmothers", portrait de la société contemporaine coréenne.
Actuellement en tournée européenne, "Ahnsim Dance" sera suivi de deux autres spectacles avec des personnes de petite taille puis des personnes transgenres.
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