Les audiences, programmées sur un mois devant une cour d'assises composée de magistrats professionnels et en présence de 232 parties civiles, seront placées sous une surveillance aiguë dans un contexte de menace terroriste élevée en France. Dimanche à Marseille (sud-est), deux jeunes filles ont été tuées à coups de couteau par un homme qui a crié "Allah Akbar" avant d'être abattu par des militaires, une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique.
Les assassinats de Merah étaient les premiers attentats jihadistes commis en France depuis ceux du GIA algérien en 1995. Ils ont marqué l'avènement d'une nouvelle forme de terrorisme qui a depuis coûté la vie à 241 personnes dans le pays.
L'enjeu principal du procès sera de déterminer le rôle exact joué par Abdelkader Merah, 35 ans, dans les tueries exécutées en solo par son frère, 23 ans à Toulouse et Montauban (sud-ouest).
L'homme est accusé d'avoir "sciemment" facilité "la préparation" des crimes de son frère en l'aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des faits.
A ses côtés comparaîtra un délinquant, Fettah Malki, 34 ans, à qui il est reproché d'avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur.
Si les deux accusés reconnaissent la matérialité des faits, ils contestent avoir connu les intentions criminelles de Mohamed Merah. Abdelkader Merah risque la réclusion criminelle à perpétuité, Malki, vingt ans de prison.
'Du sang sur l'esprit'
Entre le 11 et le 19 mars 2012, Mohamed Merah assassinaient trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs, avant d'être abattu le 22 mars dans son appartement de Toulouse par le RAID, une unité d'élite de la police, à l'issue de 32 heures de siège suivi par les médias du monde entier.
Lors de la perquisition étaient saisies une caméra Go-Pro et des cartes mémoire, avec lesquelles le jihadiste a filmé ses assassinats. Des avocats des familles des victimes ont demandé la diffusion des films à l'audience "pour une meilleure manifestation de la vérité" mais la décision relève du président de la cour d'assises.
"Ce procès sera aussi l'occasion d'aborder les dysfonctionnements des services de l'État, notamment sur la surveillance de Merah alors qu'il était fiché", espère Olivier Morice, avocat de la famille d'un des militaires tués.
Interrogé par les services de renseignement, Merah n'avait pas caché ses voyages en Syrie, Egypte ou au Pakistan, mais parlait de tourisme. En réalité, il avait réussi à entrer en contact, dans les zones tribales pakistanaises, avec un groupe affilié à Al-Qaïda qui revendiquera ses crimes.
Pour ces raisons, l'avocat d'Abdelkader Merah, Me Éric Dupond-Moretti, a réclamé l'audition comme témoin de l'ancien chef du renseignement intérieur, Bernard Squarcini.
Sollicité par l'AFP sur la défense de son client, l'avocat n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience. Il avait dénoncé en 2016 un dossier vide.
"Abdelkader Merah a dit toute la sympathie qu'il éprouvait pour les actes de son frère. Ce n'est pas un bouc-émissaire. Si Mohamed Merah a du sang sur les mains, Abdelkader a du sang sur l'esprit", estime Me Simon Cohen, représentant des familles de l'école juive.
Surnommé "Ben Laden" dans son quartier, Abdelkader Merah, était fiché pour sa proximité avec d'autres membres de la mouvance islamiste radicale. Abdelkader Merah ne pouvait "ignorer l'orientation jihadiste de son frère qu'il avait contribué à forger", ont estimé les juges d'instruction.
Ils ont notamment pointé les contacts répétés des deux hommes les jours précédents les tueries, les séjours au Caire d'Abdelkader Merah ou la découverte à son domicile d'un guide du Moujahidine (combattant de la foi) donnant des conseils pour échapper à la surveillance des services de renseignement.
Après les meurtres, l'accusé s'était dit "fier" de son frère, ajoutant que "tout musulman aimerait se faire tuer pour son ennemi".
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