Carles Puigdemont, 54 ans, à la tête de la Catalogne depuis début 2016, a ainsi porté son défi à l'Etat espagnol à un nouveau sommet, sur ce sujet qui divise presque à parts égales les Catalans.
Cette confrontation est considérée en Espagne comme la pire crise politique vécue par le pays depuis le Coup d'Etat militaire avorté de 1981.
"Aujourd'hui, il n'y a pas eu de référendum d'autodétermination en Catalogne. L'Etat de droit reste en vigueur avec toute sa force", a déclaré dans la soirée le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy lors d'une allocution télévisée à l'issue d'une journée de vives tensions.
Dans la nuit de dimanche à lundi, le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull, a lui annoncé une victoire du "oui" "à 90%".
Selon lui, deux millions de personnes - sur les 7,5 millions de Catalans - ont estimé que la Catalogne devait devenir un "Etat indépendant sous forme de République", sur un total de 2,26 millions de voix.
Quant au "non", il a obtenu 7,8% des voix (176.000), lors de cette consultation boycottée par l'opposition aux séparatistes.
L'annonce a été accueillie par des "hourras" et des pétards dans le centre de Barcelone où quelques milliers de séparatistes s'étaient rassemblés.
Selon M. Turull, la participation a atteint 42,3%: un taux que le président régional Carles Puigdemont avait justement jugé acceptable, assurant que cela avait été le pourcentage de participation des Espagnols pour adopter la Constitution européenne.
Cette consultation n'était assortie d'aucune des garanties qui accompagnent les scrutins électoraux, l'Etat espagnol ayant visé toute l'infrastructure qui lui aurait permis de présenter des résultats crédibles.
Aucune commission électorale n'a supervisé l'organisation, le recensement n'était pas transparent, le vote n'était pas secret, etc.
La "loi de référendum" adoptée par les séparatistes pour organiser le scrutin prévoit qu'une fois les résultats proclamés, l'exécutif déclare l'indépendance et lance une phase de négociations.
Journée de tensions
Dimanche, les forces de l'ordre avaient été déployées en masse par le gouvernement de Mariano Rajoy, afin d'empêcher la tenue du référendum interdit par la Cour constitutionnelle, parfois à coups de matraque et de balles de caoutchouc.
Par endroits, les unités anti-émeutes ont chargé la foule massée autour des bureaux de vote. Des personnes âgées, mais aussi des pompiers proches des indépendantistes ont été bousculés par les forces de l'ordre.
Selon le gouvernement régional, les charges policières ont amené 844 personnes à solliciter une assistance médicale. Deux ont été blessées grièvement: un homme de 70 ans victime d'un infarctus et un blessé à l'oeil.
Le ministère de l'Intérieur a de con côté annoncé qu'au moins 33 policiers avaient été blessés, certains ayant essuyé des jets de pierre.
Les forces de sécurité sont intervenues dans au moins 92 bureaux de vote pour saisir le matériel électoral.
Dénonçant l'intervention musclée de la police, 44 organisations - dont les principaux syndicats catalans et deux associations indépendantistes - ont appelé à une journée de grève générale et de mobilisations mardi en Catalogne.
Malgré ces interventions, de nombreux Catalans ont voté à Barcelone et ailleurs, attendant parfois longtemps pour voter, et formant de longues queues devant les bureaux de vote.
"J'ai pleuré, car cela fait des années que nous luttons pour ça et j'ai vu devant moi une femme de 90 ans en chaise roulante qui a fait le déplacement pour voter", a raconté dans le petit village de Lladó Pilar López, une secrétaire de 54 ans.
Proclamer tous seuls l'indépendance
Entouré du reste de l'exécutif régional, M. Puigdemont a déclaré dimanche soir: "avec cette journée d'espoir et de souffrances, les citoyens de Catalogne, nous avons gagné le droit d'avoir un Etat indépendant qui prenne la forme d'une République".
Il a annoncé que son gouvernement transmettrait les résultats dans les prochains jours au Parlement de Catalogne "pour qu'il agisse en conséquence, comme prévu par la loi organisant le référendum".
Dans un entretien accordé samedi à l'AFP, il avait assuré qu'en cas de victoire du "oui", il déclarerait l'indépendance de la Catalogne, région stratégique au coeur de l'Europe représentant 19% du PIB espagnol.
Depuis début septembre, M. Puigdemont et l'ensemble de l'exécutif catalan sont visés par une enquête pénale pour "désobéissance, prévarication et détournement de fonds publics", en lien avec l'organisation du référendum.
Mariano Rajoy a estimé qu'ils étaient "les seuls responsables" des événements, qui pourraient leur valoir une réponse musclée de la justice.
Pour la maire de gauche de Barcelone, Ada Colau, les séparatistes ne pourraient dans tous les cas pas proclamer "tous seuls" une indépendance que personne ne leur reconnaîtrait. Elle avait cependant appelé à participer au référendum "unilatéral", avant d'expliquer qu'elle-même votait blanc.
L'indépendantisme n'a cessé de grandir en Catalogne depuis le début des années 2010, alimenté par la crise économique et l'annulation partielle d'un statut qui conférait à la région de très larges compétences.
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