A 60 km au sud de Paris, nulle montagne ni falaise à grimper, mais 5.000 à 6.000 blocs de grès dépassant rarement les sept mètres de haut, disséminés au milieu des pins et des hêtres, lointain héritage du temps où la mer recouvrait la région parisienne.
Un dimanche ensoleillé de septembre, les sites les plus accessibles sont pris d'assaut par les grimpeurs: Français de la région mais aussi Anglais, Allemands ou Néerlandais venus pratiquer l'escalade "de bloc", sans autre assurance qu'un matelas, ou "crashpad", posé au sol.
"On est resté des grands enfants à grimper sur ces petits rochers", s'amuse Grégory Garabedian. Cet employé de médiathèque de 39 ans a choisi de vivre au plus près de la forêt quitte à s'éloigner de son lieu de travail - "quand on aime on ne compte pas".
"Le jeu se renouvelle tout le temps, admire-t-il. Ca fait plus d'un siècle que ces rochers sont grimpés et on continue à trouver de nouveaux blocs."
"C'est un paradis", assure Désirée. Cette Suissesse de 29 ans qui entraîne d'ordinaire des jeunes grimpeurs a prévu de rester six semaines à Fontainebleau pour profiter au maximum du site, "l'un de (s)es rêves".
Non loin, quatre Britanniques font leurs premières ascensions. "Des tas de gens disent que c'est la Mecque de l'escalade. C'est un de ces endroits à ne pas manquer parce qu'il y a des circuits qu'on ne trouve nulle part ailleurs", témoigne Tom, 23 ans.
Selon une étude datant de 2016, les grimpeurs représentent 28% des 10 millions de visiteurs annuels de la forêt de Fontainebleau, la plus fréquentée de France.
Loin du temps où la pratique de l'escalade y était confidentielle, cantonnée à l'entraînement en vue de l'ascension des sommets, ou tournée en dérision.
Les JO dans le viseur
"Dans les années 60, les grands alpinistes se moquaient des +Bleausards+ (surnom des grimpeurs de Fontainebleau ou "Bleau") en disant que les rochers étaient juste bons à récurer les casseroles", relate Jacky Godoffe, pionnier de l'escalade.
Mais les alpinistes Pierre Allain et Robert Paragot, qui s'entraînaient à Fontainebleau, "sont devenus parmi les meilleurs au monde", souligne ce spécialiste du bloc devenu conseiller technique national à la Fédération française de la montagne et de l'escalade (FFME).
Le bloc n'est plus moqué: il est même devenu une discipline à part entière et "la pratique dominante (d'escalade) grâce au développement des salles", note Jacky Godoffe.
C'est aussi à Fontainebleau qu'est basée l'équipe de France de bloc. L'entraîneur tient d'ailleurs à ce que ces athlètes grimpent dans la forêt "même si ce qui se pratique à Fontainebleau n'a strictement rien à voir" avec les compétitions en salle.
"La forêt est un atout immense pour développer l'aspect technique", abonde Clément Ozun, 20 ans, espoir du pôle France. "Chaque prise est différente, instructive et va nous donner beaucoup d'expérience", décrit le sportif.
Dans son viseur, les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo, où l'escalade figurera pour la prochaine fois, et 2024 à Paris.
Cette entrée dans le sérail des disciplines olympiques promet davantage de visibilité à ce sport en plein essor (93.000 licenciés à la FFME, +49% en 10 ans).
A Fontainebleau, la hausse de la pratique présente toutefois des risques pour le milieu (érosion, déstabilisation des rochers). D'où l'enjeu, constate l'Office national des forêts, d'"orienter le public vers des sites moins fréquentés au sein de la forêt, avec la même qualité".
Quelque soit l'endroit, poétise Jacky Godoffe, "le grès qu'on a ici est d'une douceur, d'une beauté, d'une variété uniques au monde".
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