Les habitants des quartiers chics, à un jet de pierre ou plutôt à portée de fusil de Rocinha, éprouvent anxiété et résignation après la flambée de violence la semaine dernière dans cette favela où l'armée a dû intervenir contre les gangs, la police s'avouant incapable de contrôler la situation.
Les fusillades ont notamment entraîné la fermeture d'un important axe routier de Rio qui sépare physiquement Rocinha du quartier aisé de Sao Conrado et de sa station de métro, au moment où des dizaines de milliers de personnes assistaient à Rock In Rio, événement musical de l'année.
Habitant de ce quartier, Leonardo Ferreira, un chef d'entreprise, trouve la situation "très anxiogène".
"J'ai une fille de deux ans et demi et un fils de neuf ans qui vont tous les deux à l'école tout près de Rocinha. Je travaille, mon épouse aussi", explique-t-il à l'AFP.
"On suit avec appréhension les informations pour savoir si cela ne va pas flamber à nouveau et si on ne va pas devoir se précipiter à l'école pour aller chercher les enfants et les ramener à la maison, dans notre immeuble-bunker", dit-il.
Pas 'la dernière fois'
"C'est une situation très mauvaise, qui affecte votre capacité de concentration au travail, votre productivité".
Mauro Sacramento, moniteur de parapente biplace, vient de se poser en douceur avec une touriste sur le sable fin de la magnifique plage de Sao Conrado. Mais pas de survol de Rocinha, interdit par l'armée.
Les fusillades, "bien sûr, ont eu un impact fort", dit-il. "Ici nous sommes des voisins de Rocinha. Parfois, avec la direction du vent, on allait au-dessus. Maintenant quand des clients s'inscrivent pour un vol, ils demandent : +C'est tranquille, c'est calme?+".
"C'est très triste de voir ça. Ici c'est magnifique. Ca pourrait être l'un des meilleurs endroits au monde pour vivre".
Devant la plage tropicale, Miguel Eduardo explique, dans son "quiosque", avoir noté "une baisse de 20 à 30%" de ses ventes de beignets et jus de fruits. "Les gens ont eu peur de venir avec tout ça".
Mais "on a déjà vu ces situations à l'époque de Nem", le chef des narcotrafiquants qui régnait sur Rocinha, aujourd'hui derrière les barreaux. "Il y en a toujours eu, il y en aura encore", lâche-t-il.
C'est la même résignation qu'affiche René Hasenclever, président de l'Association des habitants de Gavéa, autre quartier chic voisin de Rocinha, pour qui "ce n'est ni la première, ni la dernière fois".
Mais "ces derniers jours, des écoles ont été fermées, on a vu moins de voitures dans la rue. Les gens ont eu peur de sortir. On a servi moins de plats et de chopes (de bière) dans les restaurants", dit-il.
'Vivre avec ça'
"Aujourd'hui la Zone Sud de Rio est entourée de favelas. Ce ne sont pas les favelas qui nous dérangent, c'est le trafic" de drogue, dit-il. "Je dois vivre avec ça. Parfois j'ai peur".
Nulle part ailleurs riches et pauvres vivent aussi près les uns des autres qu'à Rio, où les favelas ont poussé en pleine ville, et non en périphérie comme à Brasilia ou Sao Paulo.
Ainsi les plus riches, qui habitent plutôt le long de l'océan, sont souvent à portée des tirs qui rythment le quotidien des près de deux millions de Cariocas pauvres s'entassant sur le flanc des pythons rocheux. Et, d'année en année, la surface des favelas grignote peu à peu Rio.
Avec la violence actuelle, c'est souvent la présence de l'armée dans la rue qui rassure les Cariocas.
C'est le cas de Romulo Silva, un informaticien qui grimpe à vélo la route de forêt tropicale reliant Gavéa à Rocinha, interrogé à quelques mètres d'un contrôle des véhicules par des militaires lourdement armés.
"On regarde des applis sur le smartphone, on échange des informations. Il y a une opération (armée) à Rocinha. Des bandits se sont cachés dans la forêt..."
"La raison me pousserait à rester chez moi, mais j'ai décidé de ne pas vivre avec la peur", dit-il.
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