Zakaria et Justin Moustapha, deux des 530 recenseurs recrutés pour cette tâche titanesque devant s'achever le 2 octobre, arpentent le quartier de La Vigie, sur la commune de Labattoir (Petite-Terre). Dans cette zone prioritaire de la politique de la ville, près de 60% des résidents vivent dans des maisons en tôle, comme un ménage mahorais sur trois, selon l'Insee.
En raison du fort taux d'illettrisme et d'un manque de maîtrise de la langue française à Mayotte, ils collectent les données sous forme d'interviews.
Dans le quartier, les familles vivent en communauté sur plusieurs générations au sein d'une "shanza", une parcelle de terre nue accueillant plusieurs cases et délimitée par des murs de tôle.
Pour parvenir aux maisons, les agents-recenseurs empruntent des chemins de terre battue, très étroits ou creusés par d'immenses ravines dégorgeant de détritus de toutes sortes – déchets verts, cannettes, appareils électroménagers, etc. – à moitié brûlés par les habitants n'ayant pas immédiatement accès à un système de ramassage des poubelles.
L'habitat est particulièrement précaire dans le 101e département français: 28% des logements ne disposent pas d'eau courante, 59% n'ont pas de toilettes à l'intérieur de l'habitation et 52% n'ont ni baignoire ni douche.
"La principale difficulté de ce recensement est l'accès aux logements", dit Justin Moustafa, qui fait état d'une certaine réticence chez nombre d'habitants : "On leur avait dit lors du dernier recensement que ça permettrait de changer les choses. Or ils ne notent aucune amélioration, et ne veulent plus répondre aux questions".
Le dernier recensement de l'Insee à Mayotte remonte à 2012, contrairement au reste des départements français, dont un 7e de la population est recensée chaque année, ce qui permet de calculer un chiffre annuel (qui donc n'inclut pas Mayotte).
Il y a cinq ans, 212.600 habitants avaient été recensés, un chiffre que nombre d'observateurs jugent obsolète et largement sous-évalué aujourd'hui.
Le résultat du nouveau recensement est donc très attendu après qu'une partie de la population s'est soulevée lundi pour protester contre l'immigration illégale ainsi que la gratuité des visas entre les Comores et Mayotte, annoncée par le ministère des Affaires étrangères.
"on ne maîtrise rien"
Mikidache Houmadi, adjoint au maire de Labattoir, mène de grandes campagnes de sensibilisation pour expliquer la nécessité du recensement qui va permettre de revoir à la hausse la dotation globale de fonctionnement de la commune.
"Le cas de La Vigie nous pose problème. On ne maîtrise rien là-bas. On ne peut pas estimer les besoins en eau, en électricité, le nombre d'enfants à scolariser, etc.", regrette l'élu.
La fécondité élevée du département (plus de 3,5 enfants par femme contre 2 en métropole selon l'Insee) et la forte pression migratoire des îles voisines des Comores saturent rapidement les infrastructures, notamment les établissements scolaires et l'unique hôpital du territoire.
Sur le terrain, la croissance de population brouille les pistes : "Au départ, sur cette zone, nous avions 156 logements identifiés. A une semaine de la fin du recensement, nous en avons déjà 100 à 200 de plus", explique Dominique Etévenaux de l'Insee, superviseur pour le recensement à Mayotte. Un travail de cartographie du bâti avait été mené en 2016, en préalable à ce recensement.
Le recensement ne permettra pas de connaître le nombre de personnes en situation irrégulière car rien sur le formulaire ne permet de faire la distinction entre une personne légalement sur le territoire et un clandestin.
"Ce n'est pas à nous d'expulser les gens, on est là pour savoir qui vit là et quels sont ses besoins. A chaque autorité sa compétence", rassure Mikidache Houmadi.
L'élu ajoute que les étrangers en situation irrégulière consentent généralement à participer au recensement, désireux d'intégrer les statistiques et d'être pris en compte lors du dimensionnement des infrastructures et de l'identification des besoins des populations.
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