A l'instar de ce retraité de la banlieue de Tokyo, des millions de conducteurs nippons âgés sont invités à se rendre à l'évidence: leurs aptitudes baissent avec l'âge.
A quelques encablures de la capitale, un centre d'examens accueille les seniors pour évaluer leurs capacités à manoeuvrer leur véhicule. Les automobiles de test sont truffées de capteurs qui mesurent précisément les réactions du conducteur.
Cet examen est devenu essentiel alors qu'une proportion croissante d'accidents impliquent des personnes de plus de 65 ans, lesquelles représentent déjà quelque 28% de la population japonaise, dans un pays de 127 millions d'habitants qui vieillit à vitesse grand V.
Environ 4,8 millions de détenteurs de permis de conduire ont plus de 75 ans et, selon les autorités, ils ont été en 2016 responsables de 13,5% des accidents mortels, contre 8,2% en 2007. Une nette sur-représentation.
Idem pour le nombre de morts sur les routes: il a chuté d'un tiers en moins d'une décennie (passant de 5.796 en 2007 à 3.904 en 2016), grâce à des voitures plus sûres et une politique de sécurité routière qui porte ses fruits, mais plus de la moitié des personnes tuées en 2016 avaient plus de 65 ans (2.138).
Le danger que représentent les seniors au volant se lit dans la presse, avec des drames comme celui d'un camion conduit par un chauffeur de 87 ans, qui a percuté des écoliers en faisant un mort l'an passé à Yokohama (près de Tokyo).
Il n'est pas rare que, dans les véhicules majoritairement à boîte de vitesse automatique, les conducteurs âgés confondent l'accélérateur et le frein ou foncent dans un obstacle en voulant reculer faute d'avoir enclenché correctement la marche arrière.
"Beaucoup ont du mal à juger de façon instantanée" quand il faut par exemple freiner d'urgence et, "lorsque la vitesse est élevée, leur champ de vision se réduit", explique Masato Zenyouji, moniteur de la Fédération japonaise de l'automobile (JAF).
Des nouilles contre un permis
Emiko Takahashi, 73 ans, elle, le reconnaît: elle n'a plus confiance dans sa conduite. "C'est pourquoi je suis venue dans ce centre d'examen". Pourtant, elle ne peut se passer de sa voiture, car elle doit transporter son mari, de sept ans son aîné, tous les jours à l'hôpital.
Elle dit ne plus être à même de se concentrer de la même façon, et être "devenue lente".
A l'inverse, certains, forts de leurs décennies d'expérience sur les routes, n'ont pas conscience de leurs lacunes et sont hyper-confiants, ce qui en fait potentiellement des dangers ambulants, déplore le professeur Masabumi Tokoro de l'Université Rissho.
Une de ses études a montré que les trentenaires au volant étaient moins présomptueux: ils ne sont que 10% à se dire à même d'éviter un accident, contre 53% des plus de 75 ans.
Pour limiter les risques, ces derniers se voient imposer par la loi depuis le mois de mars un test cognitif pour renouveler leur permis.
De leur côté, les constructeurs améliorent sans cesse les technologies pour que le véhicule prenne lui-même des initiatives, mais ces modèles avancés sont encore peu nombreux dans le parc en circulation.
Des autorités locales encouragent aussi les automobilistes âgés à rendre leur permis, en leur offrant des réductions sur les taxis et bus ou, de façon plus anecdotique, en leur faisant bénéficier de promotions sur les services funéraires ou... sur les soupes de nouilles chez des commerçants désireux d'agir pour la sécurité publique.
Réticence
Pourtant, tous ne sont pas convaincus: "Ce n'est pas intéressant, l'avantage de conduire sa propre voiture, c'est que vous pouvez aller où vous voulez quand bon vous semble. Et j'espère bien pouvoir conduire jusqu'à ma mort", argue Kiyotaka Ukita, 67 ans, qui lui aussi est venu évaluer ses capacités à l'école de conduite.
C'est que, pour beaucoup de gens aux Japons, la voiture est indispensable, surtout dans les régions rurales où l'habitat est très dispersé et où, faute de rentabilité, des transports en commun ont été supprimés.
Demander aux habitants âgés de rendre leur permis n'est pas possible si dans le même temps ne sont pas aménagés des moyens leur permettant de continuer à vivre normalement, insiste le professeur Tokoro.
Il appelle à une révision de l'aménagement urbain, avec des services publics plus près des quartiers résidentiels, du covoiturage et d'autres services de substitution, bref, une politique plus globale pour répondre à un vieillissement accéléré.
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