Elle travaillait au troisième étage du 286 avenue Alvaro Obregon, immeuble sur lequel s'est concentré pendant de longues journées l'espoir des familles de dizaines de disparus. Elle raconte d'une voix posée, encore incrédule et parfois entrecoupée de rires nerveux, le choc puis la longue attente avant le sauvetage. Survivante, à 36 ans, elle veut être à la hauteur de cette "deuxième chance".
"J'étais sur Facebook et ça a commencé à trembler. J'ai pris mon portable et je me suis dirigée vers la réception. Un collègue, Isaac, nous disait d'aller vers la porte des escaliers de secours mais je ne suis pas arrivée jusque-là, je suis restée à mi-chemin, et c'est là que le plafond nous est tombé dessus. (...)
Quand ça a cessé de tomber, le pire moment a commencé. On entendait des cris, des hurlements, des gens qui pleuraient. La première chose que j'ai faite, c'est de prendre mon portable pour voir si je pouvais appeler mais ça ne marchait pas. Ensuite je me souviens que j'ai prié.
Peu à peu, j'ai commencé à me situer dans ce petit espace et je me suis rendue compte que je n'étais pas blessée, que j'avais seulement des égratignures, et que j'étais à côté d'Isaac.
Je crois que j'étais bloquée debout, penchée vers la droite, et qu'à côté de moi Isaac était à plat ventre, je ne pouvais pratiquement pas bouger. +Ca va? Tu n'es pas blessé? Tu saignes?+. Ce sont les premières questions qu'on s'est posées.
C'est un choc, tu te vois là-dedans et tu ne peux pas y croire. Le mur était à quelques centimètres de mon visage. Quand les heures ont commencé à passer, on a accepté peu à peu la réalité et chaque fois qu'on entendait des bruits, on criait sans arrêt pour qu'on nous entende. On criait +A l'aide+ +On est là+. (...)
'Je voulais vivre'
Je lui disais: +si on est là toi et moi, au même endroit, c'est parce que l'endroit où on est tombés est parfait. Deux pas de plus, et on serait peut-être morts. (...)
On a eu des moments de silence, quand tous les deux on était fatigués, on a eu des moments de désespoir, mais on a beaucoup discuté de nos vies sans pratiquement se connaître.
A un moment, on a entendu quelqu'un d'autre crier. Elle s'appelait Paulina, elle travaillait au quatrième étage et elle était tout près alors on s'est demandés: +Paulina, tu entends des bruits? Qu'est-ce que tu entends là-bas?+
Le sauvetage n'a pas eu lieu avant le lendemain. Je ne me souviens pas vraiment des heures, mais vers 16H00 ou 17H00, on a commencé à entendre des bruits et les machines chaque fois plus proches.
On s'est alors mis à crier ensemble de plus en plus, même si on était épuisés, et à un moment on a entendu un homme dire +Vous êtes là?+. C'était la première fois qu'on entendait la voix de quelqu'un d'autre et on a été submergés d'une joie très particulière. (...)
Comme une naissance
Cinq ou six heures sont encore passées mais pendant tout ce temps on était en contact avec les sauveteurs, ils nous faisaient des blagues, nous disaient de promettre qu'on les inviterait à dîner, ils me disaient qu'ils avaient vu une photo de moi et que j'avais un beau sourire. Et c'est pour eux que je raconte mon histoire. (...)
Finalement, ils m'ont dit de me traîner jusqu'à un trou qu'ils avaient ouvert et j'ai tendu le bras. Le sauveteur m'a pris la main et ça a été un soulagement même si je ne voyais toujours par la lumière. Ils m'ont mis un harnais et ont terminé de me sortir. Je voulais vivre.
Il pleuvait quand je suis sortie, et la pluie sur mon visage, ça a été la sensation la plus merveilleuse de ma vie, j'ai ressenti une immense gratitude. Ils applaudissaient tous. Pour les sauveteurs, chaque vie sauvée est une grande célébration, comme une naissance.
Je n'arrive toujours pas à croire que je sois sortie indemne. J'ai encore du mal à croire que j'étais là-bas il y a quelques jours et que maintenant, je suis entourée de ma famille. Je suis tellement, tellement reconnaissante. Je le prends comme une deuxième chance, et je sens que j'ai une mission importante dans cette vie. Mais je la découvrirai peu à peu".
Paulina et Isaac ont également survécu.
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