"Le réchauffement climatique observé au 20e siècle affecte déjà tous les niveaux d'organisation écologiques", constate l'institution, appelant à plus de recherches pour mieux cerner ces facultés d'adaptation.
"L'Histoire de la Terre a déjà vu des transformations rapides, les organismes ont déjà répondu à des changements climatiques, par des migrations d'arbres par exemple", souligne l'écologue Sandra Lavorel, co-responsable de cette synthèse. "Mais la différence aujourd'hui c'est la présence de l'Homme, qui complique tout".
Parmi les 85.600 espèces animales et végétales (une fraction seulement du total) recensées par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), environ 24.300 sont considérées comme menacées d'extinction.
Les causes premières sont connues: agriculture intensive, déforestation, urbanisation, surexploitation des ressources, espèces invasives. "Auxquelles s'ajoute le climat", enchaîne l'écophysiologiste Yvon Le Maho, autre coordinateur du rapport.
Exemple favori de cet expert en adaptabilité animale: le "scénario catastrophe" vécu par le hamster d'Alsace. D'abord victime de la monoculture de maïs, pauvre en vitamine B3, puis d'un climat sans neige exposant son terrier aux pluies accrues, il a fini par cannibaliser ses petits.
Autre cas, les mésanges, dont la reproduction est menacée par des printemps précoces privant les petits de chenilles - déjà muées en papillons.
Premières cibles d'un climat déréglé, la mégafaune, à démographie lente, et les écosystèmes sensibles (zones humides, milieu marin...).
Des espèces, "aptes à la dispersion", pourront suivre les déplacements du climat, comme le montre déjà la montée vers le nord de la chenille processionnaire du pin. Mais les arbres auront plus de mal, "avec des risques marqués de déséquilibre végétation-climat pour des décennies ou des siècles".
Que se passera-t-il avec les espèces qui ne pourront bouger, notamment pour cause de fragmentation des milieux? Quid de la désynchronisation entre les plantes et leurs pollinisateurs?
"Nous ne sommes qu'au début" du changement climatique, note Sandra Lavorel. "Températures, sécheresses, évolution des durées jour/nuit... Que produira leur combinaison? Nous avons des inquiétudes sur les capacités de réponse" du vivant, ajoute cette spécialiste des écosystèmes de montagne.
'conscience molle'
Ce rapport a fait l'objet de deux ans de travail, au sein d'une Académie des sciences longtemps agitée par les positions climato-sceptiques de certains membres, notablement Claude Allègre. Proche de l'ex-ministre aujourd'hui silencieux, le géophysicien Vincent Courtillot, qui émet publiquement des doutes sur la responsabilité humaine dans le réchauffement, a fait partie de la commission de relecture.
"Au début c'était un peu dur. Avec un collègue comme lui, qui ne laissait rien passer, les discussions ont été serrées", témoigne Yvon Le Maho. "Mais au fond, ça nous a obligés à être encore plus rigoureux".
In fine, le rapport prône le développement d'"observatoires de la biodiversité", en lien avec la recherche fondamentale et la modélisation de scénarios: biologie et sciences de la vie manquent de données d'observations, passées de mode mais redevenues indispensables avec l'inconnue climat.
Il préconise un rapprochement avec la santé publique, devant le risque d'essor de pathologies liées au réchauffement.
Le rapport appelle aussi à renforcer l'éducation pour préparer la société aux bouleversements de la biodiversité.
Les gens "ont une +conscience molle+ de la biodiversité", souligne Mme Lavorel: "ils n'en connaissent pas vraiment les impacts sur leur vie".
Or l'Homme dépend d'écosystèmes qui lui fournissent eau et nourriture, stabilisent les sols etc. Yvon Le Maho cite le cas de l'énorme tortue luth, qui se nourrit de méduses et préserve ainsi les poissons sud-africains.
Parmi les autres recommandations: revoir les politiques agroforestières, et envisager une "migration assistée" par plantation d'essences adaptées pour limiter le risque de dépérissement. Et puis limiter les autres facteurs de dégradation, par exemple via des quotas de pêche ou des aires marines protégées.
Le rapport, mis en ligne lundi, doit être adressé au gouvernement.
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