"J'ai été mendiante, j'ai été humiliée à jamais. Mon parcours prouve que tout est possible", résume celle qui mène la liste indépendante "Notre avenir" avec la bénédiction de la sénatrice écologiste sortante de Seine-Saint-Denis, Aline Archimbaud.
Elle a 7 ans quand ses parents - père comptable, mère infirmière - fuient la Roumanie post-communiste ravagée par la crise. Avec leurs trois fillettes, les Ciuciu traversent à pied les champs minés de l'ex-Yougoslavie pour gagner Rome, "au péril de leur vie, comme les migrants d'aujourd'hui".
Après six mois de "vie inhumaine" dans un campement géant, la famille part pour la France. "Mon père voulait nous offrir un avenir dans le pays des droits de l'Homme", raconte l'étudiante à la longue chevelure brune.
Mais, en France, déboutés du droit d'asile et sommés de quitter le territoire, ils sont chassés de l'hôtel social et de l'école. "Le directeur en pleurait".
Un jour, alors qu'elle fait la manche à Bourg-en-Bresse, sa mère fait une rencontre qui va changer le cours de leur histoire: Jacqueline de la Fontaine, institutrice.
"Elle était sur la place du marché, avec une fillette dans les bras", se souvient l'enseignante. Elle prend la famille sous son aile et l'accompagne dans ses démarches avec une priorité : la scolarisation des enfants.
A 8 ans, Anina intègre un CP où elle apprend le français. "Douée" et "tenace" selon l'institutrice, elle finit par décrocher un bac S avec mention et choisit le droit, "pour lutter contre les injustices".
'Dure bataille'
Naturalisée en 2013 "grâce" à la publication d'un livre - "Je suis tzigane et je le reste" (City éditions)-, la jeune femme est aujourd'hui la seule de sa famille à être française.
"Nous avons eu la chance de faire la bonne rencontre au bon moment. Pourtant, ce n'est pas le rôle de la chance mais celui des institutions de permettre un tel parcours", s'énerve-t-elle.
Si elle est élue, la militante associative - au sein de La Voix des Rroms notamment - martèle qu'elle ne sera pas "la Rom de service". Mais accepte d'être un symbole : "Ce serait historique qu'une jeune femme française d'origine rom soit élue. Surtout au Sénat, majoritairement composé d'hommes et où la moyenne d'âge est de 64 ans!"
Ses chances restent néanmoins minces, dans un scrutin où les partis traditionnels pèsent lourd.
"Je la soutiens car elle représente des combats difficiles, pour la justice et l'écologie, et que sa trajectoire a beaucoup de sens du point de vue de la République. Mais la bataille va être dure, car elle est jeune et qu'il y a aussi beaucoup de préjugés sur les Roms", prédit la sénatrice Aline Archimbaud.
Parmi ces combats, Anina Ciuciu cite d'abord l'accès à l'éducation. Mais sa lutte consiste aussi, peut-être même surtout, "à ouvrir la voie". "Après moi il y en aura beaucoup d'autres", parie-t-elle.
"C'est un modèle pour les Roms en général, et les filles en particulier. Elle aide à casser cette barrière de l'estime de soi, très présent dans la communauté", estime Cristian Padure, un trentenaire venu assister mercredi à un meeting organisé à la mairie de l'Ile-Saint-Denis.
"Cette candidature est très tardive mais c'est le début de quelque chose. En Suède ou en Europe centrale, il y a déjà des députés roms", rappelle Pierre Chopinaud, directeur de la Voix des Rroms.
Pourquoi n'y a-t-il pas davantage d'Anina Ciuciu? "Anina a eu un parcours scolaire normal et a pu devenir avocate, répond le militant. C'est malheureusement une exception : en Seine-Saint-Denis, 80% des enfants roms sont déscolarisés".
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