En 2016, le déficit global de la Sécu a continué à se réduire pour atteindre 7,8 milliards d'euros, devenant pour la première fois inférieur à celui de l'avant-crise financière de 2008, note la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le budget de la Sécurité sociale publié mercredi.
Une diminution du déficit continue depuis le pic historique de 2010 où il avait atteint 29,8 milliards d'euros, qui témoigne que "les actions entreprises obtiennent des résultats", soulignent les magistrats de la rue Cambon.
Toutefois, "la situation financière de la Sécurité sociale n'est pas encore assainie, comme l'illustre l'annonce du gouvernement d'un nouveau décalage, de 2019 à 2020, de l'objectif d'équilibre", a déclaré le président de la Cour des comptes Didier Migaud lors d'une conférence de presse.
Il a ainsi relevé les "importants transferts de l'État" qui a apporté "près de 4 milliards d'euros de ressources, alors même que se creusait son propre déficit".
La situation financière reste "marquée par un déficit très élevé, dont la réduction est en réalité moins forte qu'affiché, et qui est de plus en plus concentré sur l'assurance maladie et l'assurance vieillesse", a insisté M.Migaud.
Le retour à l'équilibre de la branche maladie, qui concentre les deux tiers du déficit, constitue "une priorité majeure", exhorte la Cour dans son rapport.
Or, son déficit affiché de 4,8 milliards d'euros en 2016 ne diminue pratiquement pas par rapport à 2015 si l'on retranche un produit exceptionnel de CSG de 740 millions d'euros "qui n'aurait pas dû être inscrit en recette". Le "trou" atteindrait en réalité 5,5 milliards d'euros contre 5,8 milliards en 2015, selon ses calculs.
"La minoration des déficits" de l'Assurance maladie est également obtenue grâce à des transferts "opaques" en provenance d'autres branches, bien qu'elles soient distinctes sur le plan financier depuis 1967, afin de répondre à "des logiques d'affichage de solde", critique la Cour.
"Artifices croissants"
Ainsi, "depuis 2015, les transferts de recettes les plus importants bénéficient à l'Assurance maladie au détriment du risque vieillesse (2,8 milliards d'euros de déficit en comptant le Fonds de solidarité vieillesse)" et expliquent "la quasi-totalité de l'amélioration" du solde de la branche entre 2014 et 2017, relève-t-elle.
"Elle a reçu en pratique l'équivalent de 65% des hausses de cotisations vieillesse intervenue dans le cadre de la réforme des retraites de 2014", insiste-t-elle.
Des transferts de branches excédentaires aux branches déficitaires "conduiraient globalement à relâcher l'effort de maîtrise des dépenses sociales", met en garde la Cour des comptes qui appelle à la mise en place "d'obligations renforcées de transparence".
Par ailleurs, le respect de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) - mécanisme servant à freiner l'augmentation naturelle des dépenses de santé - pour la septième année consécutive impressionne plus qu'il ne le devrait. Il a été "atteint au prix d'artifices croissants" qui en affectent "la sincérité".
Les dépenses ont augmenté en réalité de 2,2% au lieu de 1,8% affiché et devraient augmenter de 2,4% en 2017, contre 2,1% prévu, selon ses calculs.
Pour la Cour, des réformes sont pourtant possibles. Elle suggère notamment un meilleur contrôle des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes libéraux. Les dépenses de l'Assurance maladie pour ces derniers sont en "forte augmentation", alors que les "inégalités" d'accès aux soins "se renforcent".
Elle pointe "les résultats limités et très couteux" des contrats d'accès aux soins (CAS) destinés à limiter les dépassements d'honoraires des médecins: "En 2015, pour éviter un euro de dépassement, l'Assurance maladie en a dépensé dix".
"Dans les zones surdotées, seuls des spécialistes de secteur 1 (sans dépassements d'honoraires) devraient pouvoir s'installer", a plaidé Didier Migaud.
En ligne de mire aussi, les coûts de distribution, qui "constituent une part importante, mais largement méconnue, du coût des médicaments".
Aux rémunérations réglementées versées par l'Assurance maladie aux officines, s'ajoutent des rétributions supplémentaires versées directement par les entreprises pharmaceutiques et les grossistes aux pharmaciens évaluées à 2 milliards d'euros.
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