Dans sa décision datée du 16 juin, le parquet estime que "les investigations minutieuses, longues et complexes n'ont pas permis de caractériser l'existence d'une infraction pénale" tant du côté des laboratoires que de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.
L'affaire était née en décembre 2012 de la plainte d'une étudiante, Marion Larat, restée handicapée à 65% après un AVC qu'elle impute à la prise de la pilule de 3e génération, Meliane, produite par le groupe allemand Bayer. A l'époque, l'affaire avait poussé les autorités sanitaires à anticiper le déremboursement des "mini-pilules".
A l'heure où la contraception hormonale fait de nouveau débat, le combat incarné par Marion Larat avait ouvert la voie à 130 autres plaintes.
Elles avaient toutes été centralisées au pôle de santé publique dans le cadre d'une enquête préliminaire visant 29 marques de pilules de 3e et 4e générations - notamment produites par Schering, Merck et Pfizer -, huit laboratoires et l'ANSM. Parmi les médicaments mis en cause, Diane 35, un anti-acnéique largement prescrit comme contraceptif.
Même si le parquet souligne l'existence de risques connus, l'enquête ne permet pas, selon lui, "d'établir avec certitude l'existence d'un lien de causalité entre la prise du contraceptif et les pathologies présentées par les plaignantes (embolies pulmonaires, AVC, phlébites, ndlr), a expliqué la source proche du dossier.
Pour l'avocat de 84 plaignantes, Jean-Christophe Coubris, "les arguments (sont) fragiles et assez faibles". Il a annoncé mardi une plainte avec constitution de partie civile pour "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine" visant les laboratoires et l'ANSM. Cette action qui concerne pour le moment trois femmes doit permettre la désignation - quasi-automatique - d'un juge d'instruction.
'Aucune certitude'
"S'il est scientifiquement établi depuis de nombreuses années qu'il existe, à l'échelle collective, un risque global de développer une pathologie thrombo-embolique" (comme les phlébites ou les embolies pulmonaires, ndlr), il n'est pas possible de prouver "avec certitude" à l'échelle individuelle que l'accident médical était dû à la prise de ces pilules, concluent les magistrats dans leur décision, dont a eu connaissance l'AFP.
Ils soulignent aussi que ces risques étaient mentionnés dans les notices dès 1987.
"J'ai du mal à concevoir que l'enquête se termine au motif de l'absence d'une certitude scientifique absolue", commente l'avocat Jean-Christophe Coubris. Il affirme avoir obtenu des expertises "qui établissent la causalité entre la prise de ces pilules et les dommages subis".
Habitué des affaires de santé, il se défend de mener le "combat contre la pilule" au moment où la contraception hormonale suscite de nouveau des interrogations après la publication récente d'un ouvrage controversé "J'arrête la pilule" par la journaliste Sabrina Debusquat.
A l'époque, la plainte de Marion Larat avait conduit l'agence du médicament à renouveler ses recommandations sur ces pilules qui ne doivent être prescrites qu'en 2e recours en raison des risques accrus de thrombose veineuse (phlébite) qu'elles entraînent.
Le climat de défiance avait conduit les femmes et les prescripteurs à changer les habitudes de contraception. Selon l'ANSM, ces évolutions auraient ainsi en 2013 permis d'éviter 341 hospitalisations pour embolies pulmonaires chez des femmes en âge de procréer par rapport à 2012.
Dans les pharmacies, elles se sont aussi manifestées depuis 2012 par une chute constante des parts de marchés des pilules de 3e et 4e générations au profit des 1ère et 2e générations, selon l'agence du médicament.
"Malgré ces constats, ces pilules moins efficaces et plus dangereuses sont toujours en vente et on n'a jamais trouvé judicieux que l'ANSM mettent les laboratoires en demeure de mentionner le sur-risque de ces pilules par rapport aux autres", déplore Jean-Christophe Coubris.
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