Tout au long de ses quatre ans à la tête du parquet brésilien, il a joué un rôle-clé dans la lutte anticorruption, lors d'une période marquée par l'enquête tentaculaire "Lavage-Express", qui a permis de mettre des dizaines de politiciens de tous bords sous les verrous.
Son dernier fait d'armes: la demande de mise en examen jeudi du président actuel, Michel Temer, pour "obstruction à la justice et participation à une organisation criminelle".
Figure polémique, auteur de phrases grandiloquentes, Rodrigo Janot, 61 ans, est loin de faire l'unanimité, y compris dans le milieu judiciaire.
"Je me résigne à mon destin, parce que dès le début, je savais parfaitement que le fait d'affronter ce modèle politique corrompu cimenté par des années d'impunité aurait un coût", a-t-il affirmé jeudi soir, avant de présenter son accusation formelle contre le président et six de ses proches collaborateurs.
Cibles de choix
Il y a trois mois, M. Janot avait déjà déclenché une procédure similaire.
M. Temer était alors devenu le premier président brésilien en exercice formellement accusé de corruption, mais il était parvenu à sauver son mandat en obtenant une large majorité au Parlement pour bloquer l'ouverture d'un procès.
Loin de se démonter, Rodrigo Janot avait annoncé la couleur avec une phrase désormais célèbre: "Tant qu'il y aura du bambou, il y aura des flèches", montrant sa détermination à lutter jusqu'au bout, avec des cibles de choix.
Ces deux dernières semaines, il a aussi présenté des demandes de mise en examen contre trois ex-présidents brésiliens, Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) et Dilma Rousseff (2011-2016), du Parti des Travailleurs (gauche), ainsi que José Sarney (1985-1990), du PMDB (centre-droit), la formation du président Temer.
L'an dernier, le procureur avait aussi ciblé Fernando Collor (président de 1990 à 1992, avant de démissionner en raison d'accusations de corruption), complétant une liste qui comprend pratiquement tous les chefs d'Etat depuis la fin de la dictature militaire, en 1985.
Il a aussi également réclamé en mars l'ouverture d'enquêtes contre neuf ministres et une quarantaine de parlementaires jouissant d'immunité.
Une offensive appréciée par la tribu des indiens Xoko, qui lui a offert en cadeau un arc et des flèches vendredi, le jour de son anniversaire.
'Persécution obsessionnelle'
Né à Belo Horizonte, dans l'État de Minais Gerais (sud-est), fan du club de football local de l'Atletico Mineiro, Rodrigo Janot, avocat depuis 1979, a effectué une partie de ses études de droit en Italie.
Il est connu comme un "homme affable", y compris pour ses principaux adversaires dans l'arène judiciaire, comme Carlos Almeida Castro, "Kakay", avocat des frères Batista, propriétaires du géant de la viande JBS, au coeur du scandale de corruption qui secoue le Brésil.
"Il n'avait pas ce côté acharné qu'il a montré à la fin de son mandat. Je n'ai aucun a priori éthique le concernant, mais l'enquête Lavage-Express a pris une telle ampleur qu'il a perdu le contrôle de cette histoire", explique M. Castro à l'AFP.
"Il a commencé à formuler des accusations sans aucun fondement juridique et s'est accaparé l'agenda du pays, paralysant l'exécutif et le législatif. Il a commis beaucoup d'erreurs à la fin", ajoute-t-il.
Les critiques les plus féroces de ses détracteurs concernent justement l'utilisation pour ses accusations contre le président Temer de témoignages issus de l'accord de collaboration noué par les frères Batista.
Rodrigo Janot a dû lui-même suspendre cet accord après avoir constaté que les délateurs avaient caché des éléments aux enquêteurs, ce qui a permis à la défense du chef de l'État d'entrer dans la brèche pour remettre en cause les preuves présentées.
Ces avocats avaient déjà tenté d'écarter le procureur du dossier Temer, dénonçant une "persécution obsessionnelle", mais leur demande a été rejetée à l'unanimité mercredi par la Cour suprême.
Lundi, Rodrigo Janot sera remplacé par Raquel Dodge, désignée par le président Temer. Elle sera la première femme à occuper le poste.
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