Juchée sur son vélo-remorque électrique rempli de seaux et de bacs, flanqué du slogan "A toute allure les épluchures", Valentine Vilboux, 29 ans, coordinatrice de La Tricyclerie, sillonne de cuisine en cuisine le centre-ville et l'île de Nantes, sur la façade atlantique.
"C'est simple, on prend tout, même les coquilles d'oeufs, les agrumes, tout à part le pain, la viande et le poisson", explique la jeune femme, après avoir pesé la dernière collecte de la journée. Soit un peu plus de 20 kilos d'épluchures de pommes de terre, de salade et de marc de café. "C'est beaucoup, ça prouve que (dans ces établissements, la cuisine) c'est du frais, du fait maison", glisse-t-elle.
Lancée fin 2015 avec une première phase expérimentale dans huit restaurants, cette tournée anti-gaspillage s'agrandit, avec 23 restaurants et neuf entreprises désormais collectées.
L'initiative a même tapé dans l'oeil des Nations unies. La Tricyclerie et sa fondatrice de 26 ans, Coline Billon, sont l'un des douze finalistes dans le monde et l'unique en France, sur 2.400 candidats au départ, du concours "Les jeunes champions de la Terre" de l'ONU. A la clé: un prix de 15.000 dollars, décerné en novembre.
"C'est super valorisant, même si on n'a pas l'impression d'avoir inventé quelque chose d'incroyable", s'étonne encore Valentine Vilboux.
"Un acte citoyen"
Car si le tri du papier, du verre et du carton est devenu un automatisme, les biodéchets finissent généralement à la décharge ou incinérés. Cet "or noir", pouvant servir d'engrais aux agriculteurs une fois composté, représente pourtant un tiers des ordures ménagères des Français, et son tri ne sera généralisé que d'ici 2025.
Sans obligation légale à l'heure actuelle de séparer les biodéchets du reste de ses poubelles, Colette Marghieri, gérante du bar à salades "Comme un pique-nique chic", a décidé d'adhérer à La Tricyclerie. C'est "un acte citoyen" avant tout, dit-elle.
"Au début, j'avais encore quelques doutes sur le tri, mais c'est facile et ça ne dérange pas du tout le service. (...) Ça nous oblige à être plus vigilants et c'est incitatif pour tous les clients", assure-t-elle.
"C'est simple et en même temps très efficace. Les épluchures, ça se voit, ça se pèse, on se rend compte quotidiennement de tout ce qui est jeté", renchérit Guénolé Clequin, directeur adjoint du Restaurant VF, qui estime à 20% la part de déchets organiques dans ses cuisines.
La Tricyclerie, qui compte deux salariées et une dizaine de "collecteurs-pédaleurs" bénévoles, fournit à chaque restaurant matériel et signalétique contre une participation financière de 40 euros par mois et une adhésion annuelle à l'association de 50 euros.
"On ne fait pas que récolter les épluchures. Il y a un vrai lien social qui se crée avec les restaurateurs autour du compost et de la réduction des poubelles, on est vraiment acteur de l'écologie", met en avant un des collecteurs, Pierre Briand, en remuant du compost fumant sur l'un des trois sites de l'association. Le compost sera ensuite redistribué gratuitement à des maraîchers, à des jardins collectifs ou aux étudiants de l'école d'horticulture de Nantes.
La Tricyclerie s'est fixé comme objectif de réduire de 40% le volume d'ordures ménagères des restaurants nantais. Pour l'instant, sur 30 points de collecte, elle ramasse une tonne et demie de déchets par mois. "C'est une petite goutte, mais c'est exponentiel, le gisement est énorme", déclare, confiante, Valentine Vilboux.
"Plus on aura de restaurants, plus il y aura de compost et d'épluchures revalorisées qui ne passeront pas par le camion-benne ou l'incinération. C'est autant d'énergie gagnée pour la planète", se félicite-t-elle.
Avec ce concept facilement adaptable ailleurs, La Tricyclerie a déjà été contactée par des particuliers "à Perpignan, Bruxelles ou à La Réunion", indique la coordinatrice de l'association.
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