"Aujourd'hui, il a le visage émacié de celui qui voit la mort s'approcher", dit son avocat Me Hugo Lévy, qui a obtenu vendredi une suspension de peine pour motif médical.
Depuis sa condamnation à la perpétuité en 1977, cet homme né à Troyes (Aube) le 31 mars 1953 a vieilli à l'ombre des prisons de Caen, Val-de-Reuil, Saint-Maur et Melun. Il figure parmi les plus anciens prisonniers de France.
Pour bonne conduite, il avait obtenu d'être libéré en 2001. Mais il avait été interpellé l'année suivante en Espagne avec 10 kilos de cannabis. Il avait depuis présenté plusieurs demandes de libération conditionnelle, dont la dernière, acceptée en 2016 par le tribunal d'application des peines de Melun, avait été rejetée par la cour d'appel de Paris.
Glacial pendant son procès, l'accusé n'avait sauvé sa tête que grâce à la plaidoirie historique de l'avocat Robert Badinter, ardent opposant à la peine de mort et qui obtiendra en 1981 son abolition en tant que garde des Sceaux.
L'affaire, le rapt crapuleux et cynique contre une demande de rançon, avait provoqué en France une émotion et une polémique sans précédent à l'époque.
L'enfant avait été étranglé le lendemain du rapt, le 31 janvier 1976, caché sous le lit d'une chambre d'hôtel louée par Henry, qui était ensuite parti en week-end avec des amis. Gardé une première fois à vue puis relâché, il avait expliqué à la presse qu'il faudrait tuer les assassins d'enfants.
Le corps avait été retrouvé le 17 février. "La France a peur", lançait le soir même le présentateur du JT Roger Gicquel.
Aux jurés de la cour d'assises de l'Aube qui décident de l'épargner, le jeune homme blond, à grosses lunettes, lance: "Vous n'aurez pas à le regretter!". "Depuis, cette promesse m'a servi de bâton de pèlerin pour parcourir les vingt années suivantes", confiait-il en 1996.
Il parlait alors d'un "acte idiot", "sorti de ses mains", "une impulsion insensée qui laissera à tout jamais dans son âme la marque de la douleur".
Lui qui avait abandonné l'école en 5e avant de s'orienter vers un CAP de cuisine, a obtenu en prison son bac scientifique par correspondance, puis une licence de mathématiques et un DUT d'informatique. Il se disait convaincu que s'il avait reçu plus tôt une culture générale, il n'aurait pas été un assassin.
L'appât du gain
Ses codétenus se souviennent d'un homme détesté pour son crime, au comportement de pacha dont le centre de détention de Caen était le royaume. Il a d'ailleurs été condamné en prison en 1989 pour trafic de drogue.
En 2000, son avocat affirmait qu'"il n'avait plus rien à voir avec le malfrat" de jadis.
Pourtant, l'appât du gain semble ne l'avoir jamais quitté. Il avait déjà été condamné pour vol et escroquerie en 1973. Après le rapt de l'enfant, il réclama une rançon d'un million de francs aux parents et, après sa libération conditionnelle de 2001, il se fit épingler pour avoir volé du matériel de bricolage.
"Ce sont ses rapports à l'argent qui sont mauvais. Pour le reste, c'est un type qui, dans son comportement de tous les jours, était normal", estimait Charles Corlet, un imprimeur qui lui a fait confiance en l'embauchant à sa sortie de prison en 2001.
En prison, il faisait son jogging, lisait Flaubert, allait à la messe quotidiennement et il a suivi une psychothérapie entre 2004 et 2010.
Certains experts ont écarté ces dernières années toute dangerosité chez Patrick Henry et évoqué l'existence d'un remords, quoique "tempéré". Mais d'autres ont avancé un risque possible de récidive.
C'est quelqu'un de "maladivement" pudique, le défendait Martine Veys, une visiteuse de prison, grande amie du détenu, avec son mari. Elle admettait juste qu'"il n'a pas la faculté d'attendrir".
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