Pour le ministère du Travail, il s'agit simplement de "sécuriser juridiquement" les Plans de départs volontaires (PDV) qui sont aujourd'hui seulement encadrés par la jurisprudence, et notamment ceux qui n'étaient pas adossés à un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
L'ordonnance 3 de la réforme prévoit ainsi de faire entrer les PDV dans le code du travail en créant pour eux un régime juridique spécifique, "autonome" des plans sociaux.
Concrètement, par accord majoritaire avec les syndicats, homologué par l'administration, les entreprises pourront conclure des ruptures amiables en nombre, sur le modèle des ruptures individuelles autorisées depuis 2008.
L'accord devra notamment fixer le nombre de départs envisagés, l'indemnité proposée, les conditions à remplir et les critères pour départager les volontaires. L'entreprise devra en outre financer des mesures de formation ou de soutien à la création d'entreprise pour aider ses ex-salariés à retrouver un emploi, et les mesures de "revitalisation" des bassins d'emplois affectés par les suppressions de postes.
"Ce sera un outil pour les entreprises qui veulent rajeunir leur pyramide des âges, renouveler les compétences", sans licencier, explique l'entourage de la ministre Muriel Pénicaud. Et d'assurer que "ce ne seront pas des plans sociaux déguisés", ni des "pré-PSE" car si une entreprise venait à "licencier derrière", l'administration du Travail "sera très regardante".
Mais d'après la CGT, le contrôle administratif n'est actuellement déjà pas suffisant et la mesure vise intrinsèquement à "contourner le droit du licenciement économique".
Ainsi, les entreprises vont pouvoir "licencier massivement" et "éviter de mettre en place des PSE, les contestations liées à la rupture du contrat, les obligations de reclassement interne et la priorité de réembauche", égraine une juriste de la CGT.
Des PDV seniors?
En outre, les aides au reclassement externe n'auront pas à être "proportionnées aux moyens de l'entreprise" comme dans les PSE. Et les salariés pourraient partir avec "uniquement l'indemnité légale", les accords d'entreprise pouvant primer sur l'indemnité éventuellement fixée par la convention collective de branche, en vertu d'une autre disposition de la réforme, souligne-t-elle.
Autre crainte: la mesure pourrait ruiner les efforts en matière de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), dont "on se demande si elle va encore servir à quelque chose", s'alarme Jean-François Foucard, de la CFE-CGC.
"Alors qu'on avait tout fait pour que les entreprises maintiennent l'employabilité de leurs salariés, les recyclent", ce type de PDV va au contraire inciter les entreprises à "les faire partir plus vite", dit-il.
Des entreprises pourraient être tentées de "se débarrasser des moins employables et des seniors", souligne Eric Beaudouin, du cabinet de conseil en transition professionnelle Oasys Consultants. Et si l'accord ne prévoit qu'un "bout de formation", ce sera "sur le dos de la collectivité" car ils iront "directement s'inscrire à Pôle emploi".
Dans les ruptures conventionnelles individuelles, les seniors sont sur-représentés et, c'est un secret de polichinelle, sont parfois utilisées comme des pré-retraites déguisées, avec des revenus de l'assurance chômage calculés jusqu'au départ en retraite.
Anticipant ce risque, le ministère fait valoir que l'administration devra veiller à "l'absence de discrimination entre les salariés, notamment à raison de l'âge". Mais "le chèque dépendra de l'ancienneté et va inciter les plus anciens à partir", estime M. Beaudouin.
Conseil de nombreuses entreprises au sein du cabinet Jeantet, Déborah David ne croit pas, elle, à une "explosion de PDV": "ce n'est pas un système qu'on mettra en place dans toutes les entreprises" car le coût des mesures d'accompagnement et de revitalisation n'est "pas neutre", et pourrait notamment freiner les entreprises de taille modeste.
La mesure va "plutôt intéresser les grandes entreprises qui changent assez régulièrement de marché, de technologies", estime l'avocate.
En cas de difficultés économiques, "les PDV adossés à des PSE continueront d'exister" car les entreprises "préfèrent" des départs "non contraints", "plutôt que d'appliquer les critères d'ordre de licenciement".
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