L'écrivaine de 59 ans, qui avait déjà interpellé les candidats à la présidentielle en janvier, tente une dernière fois de faire évoluer les mentalités avec "Le tout dernier été" (Fayard), blâmant les "conservateurs qui affirment que la vie doit être vécue jusqu'au bout de l'enfer".
Si elle se défend d'avoir écrit "un texte militant", son livre évoque son "combat" pour un départ choisi. "Je ne serai plus là pour sa parution", le 4 octobre, conclut-elle sobrement.
Romancière et ancienne éditrice, Anne Bert souffre d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou "maladie de Charcot", qui conduit à une paralysie des muscles qui l'"emmure progressivement".
Aucun traitement curatif n'existe pour cette affection, diagnostiquée chez elle en octobre 2015.
La loi française autorise depuis 2016 la "sédation profonde et continue" jusqu'au décès, une administration de substances anti-douleur qui s'apparente à un droit à être endormi sans être réveillé.
Mais elle s'applique uniquement aux malades déjà en phase terminale et n'autorise pas l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration d'un produit provoquant directement la mort.
'Fuir l'interdit'
Cette législation "répond plus aux préoccupations des médecins qu'aux droits des patients qui souhaitent ne pas aller au terme de leur maladie incurable ou accepter d'insupportables souffrances", regrettait Anne Bert dans sa lettre ouverte aux candidats à la présidentielle.
"Endormir un malade pour le laisser mourir de faim et de soif est-il réellement plus respectueux de la vie que d'y mettre fin par l'administration d'un produit létal?", poursuivait-elle.
"Je veux mourir en paix, avant d'être torturée", écrit-elle dans son livre, "passer la frontière pour fuir l'interdit".
Elle a choisi de mourir en Belgique où elle est suivie "depuis décembre".
Dans ce pays, l'euthanasie active est autorisée depuis 2002 pour les patients souffrant d'un mal incurable et qui ont formulé leur demande "de manière volontaire, réfléchie et répétée".
Elle regrette toutefois cet exil, comme celui d'autres malades français, qui se rendent en Belgique ou en Suisse, forcés à "partir à un moment de notre vie où on est forcément vulnérable émotionnellement", expliquait-elle début septembre sur France Inter.
Elle est soutenue par Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui milite depuis 10 ans pour la légalisation de l'euthanasie.
"C'est scandaleux qu'en France on doive aller à l'étranger pour mourir dans la dignité, comme à une époque les femmes devaient fuir pour se faire avorter", a déclaré l'élu francilien à l'AFP.
Selon lui, "le combat qu'a mené Anne Bert ces dernières semaines" peut faire que "beaucoup de gens se rendent compte à quel point aujourd'hui notre loi est absurde".
Présidente de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP), le Dr Anne de la Tour défend une position opposée.
Si elle "respecte le choix" d'Anne Bert, elle juge que la législation actuelle est "tout à fait équilibrée".
Cette loi encore "nouvelle" est mal connue, y compris des soignants, a-t-elle expliqué à l'AFP. Aussi, il faut d'abord "la faire connaître et la mettre en application avant de dire qu'elle est limitée ou pas applicable".
Il faudrait que les pouvoirs publics donnent "plus de moyens aux soins palliatifs", pour que davantage de patients y aient accès, que les soignants soient mieux formés et les proches aidants, davantage soutenus, a-t-elle souhaité.
La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui s'était prononcée en 2015, "à titre personnel (...) en faveur de l'espace de liberté belge", s'est "alignée sur la position d'Emmanuel Macron" depuis son entrée au gouvernement, a déploré Anne Bert, qui a "longuement discuté" cet été avec la ministre par téléphone.
Pendant la campagne, les équipes du candidat Macron lui avaient répondu que revenir sur la législation actuelle n'était "pas une priorité".
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