Allongé sur un lit d'hôpital au Bangladesh, non loin de la frontière de la Birmanie, l'adolescent de 15 ans est si faible qu'il arrive à peine à supplier sa mère de lui apporter un jus. Celle-ci n'a de toute façon pas l'argent pour lui en acheter un.
Bandé des pieds à la tête, le corps constellé de blessures causées par des éclats, Azizul a perdu ses deux jambes et une partie de main dans l'explosion d'une mine alors qu'il se trouvait dans le flux de centaines de milliers de musulmans rohingyas fuyant vers le Bangladesh les violences dans l'ouest de la Birmanie.
"Nous avons entendu une énorme explosion quand Azizul a marché sur une mine", raconte en larmes sa mère Rashida Begum qui veille à son chevet. "J'ai vu ses deux jambes soufflées."
La famille fuyait son village de Debinna dans l'État birman Rakhine et se trouvait en vue de la frontière barbelée du Bangladesh lorsque le garçon a fait le pas fatal.
"Tout le monde était dans la précipitation. Personne ne pouvait se soucier des autres parce que les Birmans nous pourchassaient juste derrière et brûlaient les villages", relate Rashida, mère de quatre enfants.
Si les récits de massacres, tortures ou viols collectifs par l'armée birmane sont déjà monnaie courante parmi les réfugiés rohingyas, les mines antipersonnel placées sur la route de leur fuite sont un nouveau fléau dans le calvaire de cette minorité musulmane persécutée depuis des décennies.
Selon des hauts responsables bangladais, ces mines ont été placées là par les forces birmanes en vue d'empêcher les Rohingyas de pouvoir retourner dans leurs foyers. Le recours aux mines antipersonnel est interdit dans la majorité des pays du globe par la convention d'Ottawa de 1997, mais dont la Birmanie n'est pas signataire.
"Depuis le 3 septembre, nous avons entendu au moins 12 explosions de mines. Au moins trois personnes ont été tuées et sept blessées dans celles-ci", indique à l'AFP Manzurul Hasan Khan, commandant des gardes-frontière du Bangladesh.
"Toutes les informations pointent vers les forces de sécurité de la Birmanie ciblant délibérément des points de passage utilisés par les réfugiés rohingyas", dénonce pour sa part Tirana Hassan d'Amnesty International.
"C'est une manière cruelle et sans coeur d'aggraver le sort de gens fuyant une campagne de persécution systématique", ajoute-t-elle.
'Son corps le lâche'
Les violences font au rage au Rakhine depuis fin août, où l'armée a lancé une brutale campagne de répression consécutive à des attaques d'une jeune rébellion rohingya.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a réclamé mercredi à Naypyidaw "des pas immédiats" pour faire cesser l'épuration ethnique qui a poussé près de 380.000 Rohingyas à trouver refuge au Bangladesh voisin, provoquant une grave crise humanitaire.
La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques à l'international pour sa position ambiguë sur le sort de cette communauté paria, considérée comme étrangère en Birmanie. Elle devrait publiquement sortir de son silence la semaine prochaine lors d'une allocution télévisée.
A l'hôpital de Cox's Bazar, au Bangladesh, où est traité Azizul Haque, les médecins ont pratiqué de multiples opérations chirurgicales mais n'ont guère d'espoir de le voir survivre. Un infirmier confie à l'AFP que le garçon pourrait mourir avant la fin de la semaine.
L'établissement peine à mettre la main sur des réserves de sang de son groupe sanguin rare pour les transfusions. "90% de son corps est en train de le lâcher", dit l'infirmier.
Dans la même salle, une vingtaine de Rohingyas sont traités pour des blessures par balle, d'explosions, des brûlures.
Sabekun Nahar, 50 ans, a été atteinte aux jambes après avoir vraisemblablement marché sur une mine, non loin de l'endroit où Azizul a perdu les siennes.
"Je ne sais pas si je pourrai remarcher un jour", lâche-t-elle les larmes aux yeux.
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