"Aujourd'hui, nous lançons la lutte longue et ardue pour mettre fin à une honte internationale, le fait que les Etats-Unis soient le seul grand pays à ne pas garantir l'accès aux soins à ses citoyens", a déclaré Bernie Sanders, entouré de parlementaires, de médecins et de militants associatifs dans une salle du Sénat.
L'ancien rival d'Hillary Clinton aux primaires présidentielles démocrates en 2016, en avait fait le coeur de son projet de "révolution". Hillary Clinton avait rétorqué qu'une nationalisation du financement du système d'assurance santé était irréaliste, elle-même préférant promouvoir une réforme graduelle du système actuel, enchevêtrement de responsabilités privées et publiques.
Un an après, face aux problèmes d'Obamacare, la réforme démocrate adoptée en 2010, l'idée d'une remise à plat a séduit une partie de la nouvelle garde démocrate, ces sénatrices et sénateurs qui réfléchissent à se présenter à la présidentielle de 2020: Kamala Harris, Cory Booker, Kirsten Gillibrand... auxquels s'ajoute Elizabeth Warren, vénérable sénatrice du Massachusetts, idole de la gauche de la gauche.
Ils ont cosigné la proposition de loi que Bernie Sanders, un indépendant "socialiste" apparenté au groupe démocrate, a dévoilée mercredi. Elle n'a aucune chance d'être adoptée, ni même débattue, dans un Congrès contrôlé par les républicains. Mais les démocrates préparent ainsi le terrain idéologique, dans l'optique d'une alternance en 2020.
"Si des millions de gens s'expriment et s'impliquent, je n'ai aucun doute que ce pays adoptera, plus tôt qu'on ne le croit, un système de couverture universelle publique, et la santé deviendra enfin un droit aux Etats-Unis", a lancé le sénateur Sanders.
Pas moins de 17 des 48 sénateurs du groupe démocrate soutiennent l'initiative, considérée comme si radicale au moment des débats sur Obamacare, en 2009, qu'elle avait été rapidement marginalisée par la majorité alors démocrate.
Questions sur le coût
Les Américains sont couverts pour les risques maladie par des assurances privées, souvent via leurs employeurs, ou par l'Etat fédéral pour les plus modestes (programme Medicaid) ou les plus de 65 ans (Medicare).
C'est justement Medicare, institution sacrée en Amérique, que Bernie Sanders propose d'élargir à toute la population, ce qu'il appelle un "Medicare pour tous". Les soins resteraient assurés par le privé en majorité, mais cotisations et remboursements passeraient par le public, comme dans de nombreux pays européens.
Obamacare, loi emblématique de l'ère Obama, n'a pas remis en cause l'architecture du système mais augmenté les aides publiques et renforcé les protections, faisant progressivement baisser le nombre d'Américains sans assurance à environ 10% des moins de 65 ans.
La majorité a tenté cette année d'abroger Obamacare, en vain, échouant en raison de l'opposition de républicains modérés.... et déclenchant la colère de Donald Trump.
Mercredi, un groupe de sénateurs républicains a d'ailleurs lancé une ultime tentative pour tenir cette promesse de campagne, sans grand espoir.
Les démocrates, cependant, s'inquiètent de voir Obamacare sabotée par l'administration Trump.
Les chefs de l'opposition gardent leurs distances avec Bernie Sanders, pour des raisons politiques. Ils entendent reconquérir la Chambre aux législatives de novembre 2018, ce qui passe par la reconquête de circonscriptions qui ont majoritairement voté en faveur de Donald Trump l'an dernier. Dans celles-ci, mieux vaut être perçu comme un démocrate modéré que comme un lieutenant de "Bernie".
"Ils sont en train de commettre la plus grave erreur de leur vie", analyse l'élu républicain Tom Cole. "Mais j'ai l'impression que leur parti va dans cette direction".
Quant à Hillary Clinton, elle n'a pas changé d'avis. En pleine promotion de son livre sur sa défaite, elle a redit que la proposition Sanders ne serait pas crédible tant qu'elle ne serait pas chiffrée.
Justement, le sénateur du Vermont a publié plusieurs options de financement de son "Medicare pour tous": par les entreprises, les ménages, ou les seuls ménages les plus aisés.
Pour les républicains, quelle que soit l'option choisie, le résultat est le même: "Excessivement cher pour tout le monde", a résumé l'élu John Barrasso.
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