M. Hermant, 54 ans, figure de l'extrême droite identitaire lilloise, en détention provisoire depuis janvier 2015 mais au casier judiciaire vierge, est le prévenu "transversal" de cette vaste affaire portant sur près de 500 armes, ayant nécessité plus de deux ans et demi d'instruction.
A l'audience lundi, il avait tenté de convaincre les juges que, s'il avait touché à un tel trafic, c'était pour infiltrer un réseau et renseigner les services.
M. Hermant "a été recruté par mon prédécesseur le 13 mars 2013 et a été +blacklisté+ le 3 avril 2015", a déclaré mercredi à la barre du tribunal correctionnel le colonel Jérôme Pichard, à la tête de la section de recherche de Lille-Villeneuve d'Ascq.
Le militaire a reconnu que M. Hermant avait empoché 2.000 euros pour une affaire, une somme qualifiée "d'importante" par M. Pichard, preuve qu'il a pu être utile aux "services".
"M. Hermant était visiblement un bon informateur qui obtenait la tranquillité grâce à la qualité des informations qu'il donnait", a résumé Me Emmanuel Riglaire, qui défend un agent de renseignement des douanes assis sur le banc des prévenus.
En tout, douze rapports d'échanges, majoritairement pour des affaires de trafic d'armes, ont été rédigés sur la base d'informations livrées par Claude Hermant, selon le colonel. En général sur la masse des renseignements fournis par les "indics", à peine 10% étaient vraiment utiles, a-t-il cependant estimé.
Six armes, dont des pistolets Tokarev, ont fini dans les mains du jihadiste Amedy Coulibaly qui a assassiné en janvier 2015 quatre personnes dans un Hyper Cacher à Paris, avant d'être tué. La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge.
D'après sa défense, M. Hermant a bien importé des armes démilitarisées d'Europe de l'Est via la société de sa femme. Mais pour des missions d'infiltration et de renseignement.
Claude Hermant, comme neuf autres prévenus dont Samir Ladjali, l'un des intermédiaires présumés d'Amedy Coulibaly, encourt dix ans de prison pour trafic d'armes en bande organisée. Le procès, prévu pour s'achever vendredi, pourrait durer jusqu'à samedi.
Alors qu'une avocate s'étonnait du recrutement de Claude Hermant par les gendarmes, qui était selon elle "fiché S" (pour sûreté de l'Etat, en raison de ses liens avec l'ultra droite), le président du tribunal Marc Trévidic a rétorqué: "des fichiers S qui sont des sources, il y en a des tas!".
Dans l'après-midi, trois gendarmes, spécialisés dans le renseignement et ayant traité avec M. Hermant, ont reconnu qu'il avait pu leur montrer des armes démilitarisées. "Vous n'avez jamais pensé qu'une personne vous montrant des armes puisse se livrer à un trafic"?, a interrogé une avocate. "Si je l'avais pensé (...), je l'aurais dénoncé", a répondu un gendarme, entendu comme témoin à huis clos partiel, le visage tendu.
A une question sur un éventuel "blanc-seing" offert à M. Hermant, un gendarme a répliqué: "On n'a jamais demandé à qui que ce soit de faire des livraisons d'armes", soulignant ne jamais avoir entendu parler de Samir Ladjali de la bouche du prévenu.
Revenu à la barre, le colonel a conclu que Claude Hermant n'était "pas loyal" et qu'il avait "peut-être profité du système".
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