Dans une note que l'AFP a pu consulter, le parquet général d'Espagne ordonne aux procureurs des quatre provinces de Catalogne (nord-est) de citer à comparaître les maires participant à l'organisation du scrutin anticonstitutionnel du 1er octobre, "en tant que mis en examen".
Au cas où un maire ne répondrait pas à la convocation, le parquet demande "d'ordonner son arrestation" pour qu'il comparaisse.
Selon la dernière liste diffusée par l'Association des municipalités pour l'indépendance (AMI), 712 maires de la région sur 948 seraient disposés à mettre des locaux à disposition de l'exécutif catalan pour organiser ce référendum.
'Qu'ils nous arrêtent'
"Et bien, qu'ils nous arrêtent! Ils sont fous!", a réagi David Rovira, maire PDcat (conservateur et indépendantiste) de l'Espluga de Francoli (3.800 habitants), joint par téléphone.
"Ils n'ont rien compris, rien proposé (en réponse aux revendications, ndlr), ils se moquent de nous", a-t-il ajouté.
David Rodriguez Gonzalez, maire ERC (gauche indépendantiste) de la ville de Solsona (9.000 habitants), se disait en colère: "Tout cela démontre que la transition du franquisme (dictature de Francisco Franco, de 1939 à 1975, ndlr) à la démocratie s'est faite avec beaucoup de lacunes", a-t-il dit.
Les Catalans sont "pacifiques", a ajouté cet élu. "Mais nous sommes arrivés à un stade où il faut dire +basta+!".
Le président indépendantiste catalan Carles Puigdemont, qui a convoqué le scrutin et fait l'objet d'une enquête notamment pour "désobéissance", n'avait pas réagi directement à la mi-journée.
Il a cependant souligné sur Twitter que 712 maires c'est "75% des édiles de Catalogne", une région grande comme la Belgique, aux 7,5 millions d'habitants.
Sur les dix villes catalanes les plus peuplées, six dont Barcelone (1,6 million d'habitants) et l'Hospitalet de Llobregat (250.000), ont à ce stade refusé de s'impliquer directement dans l'organisation du scrutin.
Les Catalans sont profondément divisés selon les sondages, même si plus de 70% d'entre eux souhaiteraient un référendum légal pour trancher la question.
'Les plus brefs délais'
Le parquet est passé à la vitesse supérieure en ordonnant une enquête sur chaque édile, pour déterminer s'il a confirmé sa participation à l'organisation du vote. Si les maires ne comparaissent pas, ils doivent être arrêtés et amenés au parquet "dans les plus brefs délais".
Cette décision a été annoncée à la veille du lancement, jeudi soir, de la campagne des séparatistes pour le référendum, à Tarragone, à 100 km au sud-ouest de Barcelone.
Lundi, des centaines de milliers de personnes avait défilé à Barcelone en faveur du référendum et du "oui" à l'indépendance.
La Catalogne vit depuis le début des années 2010 une poussée de fièvre indépendantiste, liée notamment à l'annulation partielle du nouveau statut d'autonomie qui lui avait conféré des compétences élargies et le titre de "Nation" dans l'Etat espagnol.
Les séparatistes catalans - majoritaires au parlement régional - réclament depuis 2012 un référendum d'autodétermination, qui a été déclaré anticonstitutionnel par la haute Cour.
Mais les indépendantistes considèrent la Cour constitutionnelle illégitime et politisée, soulignant que sur 12 magistrats, 10 ont été nommés par des majorités parlementaires conservatrices et le gouvernement de Mariano Rajoy (droite).
Ils ignorent ses arrêts et promettent, désormais, de faire sécession si le "oui" l'emporte.
Depuis que le référendum a été convoqué, le 6 septembre, la tension n'a cessé de monter.
"L'appareil répressif de l'Etat fonctionne quand la désobéissance est réduite, mais quand tu as des centaines de municipalités, le gouvernement d'une région, d'autres autorités administratives, comment faire? (...) le niveau de crispation peut être terrible", a souligné le professeur de droit constitutionnel, Javier Perez Royo, récemment interrogé par l'AFP.
Dans un éditorial mercredi, le quotidien britannique Financial Times juge nécessaire une réforme de la Constitution espagnole pour permettre notamment une plus grande autonomie budgétaire à la Catalogne, qui a déjà de larges compétences.
Le journal français Le Monde se prononce pour un référendum légal, sur le modèle de celui organisé en 2014 en Ecosse, où le "non" à la sécession du Royaume-Uni l'avait emporté.
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