Nées en 1802 avec le concordat, les aumôneries de l'enseignement public, qui proposent catéchèse et autres activités religieuses, n'ont pas été remises en cause par la loi de 1905 séparant les Eglises et l'Etat.
Si des familles en font la demande, leur création est de droit dans les établissements abritant un internat, au nom du libre exercice des cultes. Là où il n'y en a pas, c'est le recteur d'académie qui décide. Il doit motiver un éventuel refus.
Les chiffres manquent sur les aumôneries, signe de la prudence de l'administration à informer à propos de dispositifs perçus parfois comme une entorse à la stricte laïcité républicaine. En 2003, l'Education nationale évaluait à plus de 3.000 le nombre d'aumôneries scolaires, et les seules catholiques étaient fréquentées par quelque 120.000 jeunes, un nombre tombé à 75.000 en 2014, selon le quotidien La Croix.
L'aumônerie catholique de l'enseignement public (AEP) est aujourd'hui en situation de quasi-monopole, même si ses effectifs épousent la courbe déclinante des fidèles des messes dominicales.
"Ce n'est pas le seul moyen de toucher des jeunes mais c'est un moyen important, une enclave d'Eglise dans un cadre laïque", explique à l'AFP Béatrice Lefèvre, responsable nationale de l'AEP. En pénétrant dans les établissements publics, même si ses activités ont souvent lieu à l'extérieur, l'aumônerie "touche des jeunes qui n'iraient pas voir un tableau d'affichage devant une église", dit-elle.
Principaux et proviseurs sont tenus d'aviser les nouveaux élèves de l'existence d'une aumônerie, et de leur demander par écrit s'ils souhaitent recevoir une information sur ses activités.
"La loi est loi mais le problème, c'est qu'elle n'est pas connue", regrette le père Arnaud Gautier, vicaire épiscopal pour l'enfance et l'adolescence à Paris. Or "dans un établissement où l'information est correctement donnée, entre 5 et 20% des jeunes sont à l'aumônerie, sinon on tombe sous les 1%", estime-t-il.
"Demande spirituelle"
Pour le sociologue Benjamin Farhat, "l'aumônerie est vue comme une anomalie, mais surtout elle n'est pas vue: des enseignants, des proviseurs ne savent même pas que c'est un droit, qu'il y a une place pour la religion dans l'espace laïque".
Ce chercheur, qui peste contre une laïcité "dévoyée", identifie une forme de "volonté politique pour maintenir ce silence et cette ignorance sur un sujet associé à un triptyque erroné: religion égale islam égale problèmes".
Le culte musulman n'a d'ailleurs toujours pas de service d'aumônerie. Longtemps, la question ne s'est pas vraiment posée, la deuxième religion de France étant dépourvue d'instance représentative jusqu'à la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) en 2003. Puis le CFCM, sans moyens ni grande efficacité, a eu d'autres tâches, comme le recrutement d'aumôniers pénitentiaires pour faire face au basculement jihadiste en prison.
Les familles musulmanes souhaitent-elles d'ailleurs vraiment des aumôneries scolaires? A Paris, "aucune demande n'est parvenue au rectorat", répond-on au cabinet du recteur. "Dire qu'il n'y a pas de demande, c'est prendre le problème du mauvais côté", estime a contrario un expert du dossier sous couvert d'anonymat: "Il y a de fait une demande spirituelle, et comme il peut y avoir des dérives, le sujet devrait être pris à bras-le-corps", dit-il.
L'ex-président du CFCM Anouar Kbibech est du même avis: une aumônerie scolaire musulmane pourrait contribuer à prévenir la radicalisation des jeunes. "Il ne faudrait pas que ce soit interprété comme une volonté de prosélytisme, mais de préservation des élèves face aux interprétations erronées de l'islam", fait-il prudemment valoir.
De là à voir demain des cadres musulmans déambulant en djellaba dans des établissements publics... Les aumôniers catholiques peuvent eux porter la chemise de clergyman, la neutralité n'étant imposée qu'aux personnels et aux élèves. "Nous en faisons un argument de laïcité", dit même le père Gautier. "Les élèves savent que ce sont des prêtres, et sont libres d'aller vers eux".
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