"C'est une guerre contre les viols, une guerre contre les abus sexuels et la traite des enfants, car ce ne sont pas des crimes ordinaires et on ne peut les résoudre par l'approche habituelle", explique-t-il dans un entretien avec l'AFP.
"Toutes les heures, deux enfants sont victimes d'abus sexuels. Un enfant disparaît toutes les huit minutes en Inde et ils ne s'évaporent pas".
"Ces enfants sont victimes de la traite. On les achète et on les vend comme si c'était des animaux. Parfois à des prix moindres que si c'était des animaux".
Kailash Satyarthi, 63 ans, lance lundi une "Marche pour l'Inde" qui démarrera à Kanyakumari, dans l'extrême sud, traversera les 29 Etats et sept Territoires de l'union que compte le pays, et se terminera à New Delhi le 16 octobre. Il espère que cette campagne ouvrira les yeux de l'opinion.
Plus de 9.000 enfants ont été victimes de trafic en 2016, en hausse de près de 25% sur un an, selon le ministère de la Femme et du développement des enfants.
Environ 14.000 enfants ont subi viols et harcèlement sexuel en 2015, d'après le Bureau des archives criminelles nationales.
Mais ces chiffres ne sont que la partie émergée de l'iceberg, jugent les experts. En Inde, ces crimes sont souvent tus.
"Nous voulons réveiller la nation toute entière, sensibiliser les gens aux abus sexuels sur les enfants et leur traite car c'est une menace cachée", dit M. Satyarthi.
raids dangereux
Les trafiquants attirent les enfants, pour la plupart originaires de villages reculés, avec la promesse fallacieuse d'un emploi. Ils sont ensuite vendus à des bordels, des usines ou à des bandes criminelles qui les forcent à mendier.
M. Satyarthi est à l'avant-garde de la lutte contre le travail des enfants en Inde, qui, d'après l'Unicef, concerne plus de 10 millions d'entre eux.
En cause, selon M. Satyarthi, qui est lui-même père de deux enfants, la faillite des forces de l'ordre et du système judiciaire. En 1980, il a fondé le "Bachpan Bachao Andolan" ou "Mouvement pour sauver l'enfance" pour secourir les mineurs travaillant dans d'atroces conditions.
Ses équipes mènent fréquemment des opérations dangereuses, comme des descentes à l'aube dans des usines, des mines ou des ateliers -- souvent surveillés par des gardes armés -- employant des enfants.
M. Satyarthi raconte qu'il a pris conscience du problème à cinq ans en voyant un garçon de son âge en train de cirer des chaussures devant son école.
Il se rappelle de sa première opération de sauvetage, en 1981, à une époque où il n'y avait pas de loi contre le travail des enfants.
Après avoir rassemblé des fonds en vendant les bijoux de sa femme, il avait libéré avec ses amis 36 enfants et adultes réduits en esclavage depuis 17 ans dans une usine de briques du Punjab.
"En les sauvant, je me suis rendu compte que +non, ce sont eux qui me libèrent de l'intérieur+. C'est une prise de conscience de la liberté très spéciale".
'devoir accompli'
"Depuis, je n'ai jamais regardé en arrière, j'ai continué à libérer des enfants. D'un autre côté, eux m'ont libéré, ils m'ont apporté une grande joie et le sentiment du devoir accompli".
C'est en 2014 qu'il a reçu le prix Nobel, conjointement avec la Pakistanaise Malala Yousafzai.
Mais le combat n'a pas été facile. Il a été passé à tabac, a été menacé de mort et d'emprisonnement. Deux de ses collègues ont été assassinés.
"Bien sûr, c'était très dangereux", reconnaît-il. "Je suis couvert de blessures et de cicatrices. Mon pied gauche a été cassé, comme mes côtes et mon épaule, je ne peux pas la soulever".
"Mais rien ne pourra m'arrêter".
Il annonce avec fierté que son mouvement a sauvé 86.000 enfants du travail forcé à travers l'Inde et dispose de réseaux militants dans plus de 140 pays.
Dans les années 1990, il avait fondé la "Marche mondiale contre le travail des enfants", coalition internationale visant à libérer des millions d'enfants de l'esclavage.
"Avant, je combattais contre l'esclavage et le travail des enfants. Maintenant, je déclare la guerre au viol et aux abus sexuels. Ce n'est pas le problème de quelqu'un d'autre. C'est votre problème, cela peut arriver partout".
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