Comme l'échoppe de Mohammed, la plupart des commerces et surtout des industries, qui faisaient la fierté de ses deux millions d'habitants avant l'entrée des jihadistes en 2014, sont toujours à l'arrêt. Même celles qui produisaient les célèbres mousselines, ces fins tissus de coton qui ont fait la réputation de la grande cité du nord du pays.
Car une fois les jihadistes chassés, pour les habitants de la deuxième ville d'Irak, le retour à la vie d'avant le groupe Etat islamique (EI) est un parcours du combattant.
Il y a trois ans, Mohammed Seddiq, 32 ans, possédait deux voitures: l'une a été brûlée par les jihadistes et l'autre a été endommagée par des obus de mortier et des balles qui se sont logées dans la carrosserie gris argenté.
Depuis son quartier de l'ouest de Mossoul, où "aucun garage n'a rouvert", il a dû se rendre dans la zone industrielle de l'est de la ville, moins touché par les combats que l'ouest, à la recherche d'un mécanicien.
"Les réparations vont sûrement coûter 1.000 dollars" et d'ici là, il devra "payer des courses en taxi en puisant dans les économies", car "l'Etat a annoncé qu'il rembourserait les voitures et les maisons, mais jusqu'ici rien" n'a été versé.
'Cambriolages'
Pour arranger ses clients, Rezouane Aqil, un mécanicien, assure diviser "souvent par deux" la facture qu'il leur présente. Certains viennent faire réparer leur voiture, malmenée par les bulldozers des jihadistes qui les utilisaient pour former des barrages face à l'avancée des troupes irakiennes.
Ils sont prêts à attendre parfois "un mois ou deux", selon M. Aqil, pour les réparations. Impossible pour eux de débourser aujourd'hui le prix d'une voiture.
Car dans Mossoul, même "libérée", rien n'est sûr. "Il y a eu de nombreux cambriolages", témoigne Mohammed Salem, chauffeur de taxi. "Et des gens ont été arrêtés par des groupes non identifiés. Personne ne sait ce qu'ils sont devenus", affirme encore à l'AFP cet Irakien de 33 ans.
"Il y a régulièrement des problèmes entre les différentes forces armées, surtout les unités paramilitaires", explique à l'AFP Hossam Eddine al-Abbar, membre du Conseil provincial.
Dans la ville, majoritairement peuplée de sunnites, la présence des unités dites de "mobilisation populaire", dont certaines sont dominées par les chiites, ne va pas sans friction. Et sans une véritable réconciliation entre communautés, le pays pourrait de nouveau basculer dans la violence, préviennent les experts.
Police 'infiltrée'
"Le meilleur moyen de contrôler (les groupes armés) est de les intégrer aux forces régulières qui bénéficient de bien plus de confiance de la part des citoyens que des forces non professionnelles", plaide M. Abbar.
Pas question, rétorque Omar al-Allaf, un dignitaire tribal local qui chapeaute des unités paramilitaires. Ses hommes ne rejoindront jamais la police, car "elle est infiltrée par les terroristes", assure-t-il.
En 2014, lorsque les jihadistes ont fondu sur Mossoul, les forces de sécurité locales, en pleine débâcle, se sont dispersées.
Aujourd'hui, de nombreux policiers locaux réclament leur réintégration, mais les enquêtes sur chacun prennent du temps, déplore M. Abbar. "Plus de 13.000 policiers n'ont toujours pas retrouvé leurs postes malgré nos demandes adressées aux autorités à Bagdad", ajoute-t-il.
Or, pour beaucoup de déplacés, impossible d'envisager un retour dans une ville où, en plus de ne rien retrouver de leur vie d'avant, ils risquent de devoir faire face à de nouvelles violences.
Durant l'année écoulée, un million d'Irakiens ont fui leur maison dans la province de Ninive, où se trouve Mossoul. Ils ont rejoint la cohorte des trois millions de déplacés du pays, chassés de chez eux par les combats dans toutes les villes où les jihadistes avaient pris leurs quartiers.
A travers le pays, tous attendent une reconstruction qui tarde à commencer.
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