Deux heures d'une tragi-comédie aux dialogues ciselés, rythmée par les pires jurons que l'Amérique ait engendrés, ont fait rire aux éclats les cinéphiles sur l'île du Lido, avec une veine proche de frères Coen.
Le dramaturge et cinéaste irlando-britannique Martin McDonagh a peut-être le ticket gagnant du "Lion d'Or du meilleur film" avec "Three billboards outside Ebbing, Missouri", servi par la talentueuse Frances McDormand, mère endeuillée partie en guerre féroce contre la police locale, un rôle principal taillé sur mesure.
Mais le Mexicain Guillermo del Toro a également jeté un sort sur la lagune avec "The Shape of Water", délicate fable d'amour entre une muette rêveuse et une étrange créature amphibienne. Dans ce conte rétro superbement filmé, les seuls amis de la princesse (l'excellente Sally Hawkins) sont une collègue noire et un voisin gay. C'est une ode à la différence et une antidote contre le cynisme, a qualifié son réalisateur.
La Mostra de Venise, plus vieux des festivals de cinéma, a aligné 21 films en compétition officielle pour le "Lion d'Or du meilleur film". Le jury international, présidé par l'actrice américaine Annette Bening, décernera aussi neuf autres prix, dont la Coupe Volpi du meilleur acteur et meilleure actrice.
Hollywood également en force
Un Matt Damon au jeu subtil a multiplié ses chances par deux pour décrocher la Coupe masculine, grâce à deux excellents films hollywoodiens.
Dans "Downsizing", une satire sociale croustillante, en mode science-fiction, il décide de se miniaturiser pour vivre dans l'opulence et sauver la planète. Le réalisateur américain Alexander Payne, fin observateur des faiblesses humaines, maniant toujours un humour en demi-teinte, a signé sans doute l'un des ses films les plus originaux.
Et George Clooney lui a donné un rôle en or dans "Suburbicon", polar sombre et rythmé dans la veine des frères Coen (co-scénaristes), présentant une Amérique raciste des années 50 qui résonne avec les événements de Charlottesville.
L'acteur américain Ethan Hawke dans la peau d'un pasteur austère rongé par la culpabilité, dans "First reformed" du vétéran d'Hollywood Paul Schrader, n'a pas convaincu tout le monde.
Le festival n'a sélectionné qu'une seule femme réalisatrice, la Chinoise Vivian Qu, qui a livré un film délicat peuplé de personnages féminins, "Angels wear white".
Mais les réalisateurs en lice ont offert de très beaux rôles principaux à des femmes, comme Helen Mirren, Sally Hawkins, Charlotte Rampling ou Frances McDormand, qui ont toutes pris une sérieuse option sur la Coupe.
Dans le clan des Italiens, contre toute attente, c'est une fraiche comédie musicale mafieuse en dialecte napolitain qui a enthousiasmé. L'outsider "Ammore e malavita" (amour et pègre) des frères Manetti a dévoilé un cinéma personnel et populaire, dans une compétition pour moitié composée de films d'auteurs confidentiels.
Kechiche accusé de voyeurisme
Le réalisateur italien le plus confirmé, Paolo Virzi ("The Leisure seeker"), a été bien accueilli avec son premier film en anglais, road movie plein d'humanité sur un couple âgé, avec Helen Mirren et Donald Sutherland. Et dans "Hannah", oeuvre originale du jeune Andrea Pallaoro, la magistrale Charlotte Rampling a donné vie, tout en retenue, à une femme seule et meurtrie.
Parmi les trois français en lice, le très attendu "Mektoub, my love: canto uno" du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche, filmé à Sète (sud de la France), s'est fait encenser par ses fans. Mais aussi étriller par des critiques italiens et américains dénonçant son voyeurisme excessif balayant pendant trois longues heures les corps de jeunes et jolies vacancières, toutes conquises par des séducteurs locaux d'origine tunisienne.
Avis divergents aussi pour "La Villa", vingtième opus de Robert Guédiguian, qui s'est penché sur l'histoire d'un père mourant dans sa calanque marseillaise, rejoint par ses trois enfants adultes. Leurs existences vont être bouleversées par la découverte de trois bambins de migrants dont le bateau a échoué.
Le film "mother!" de Darren Aronofsky, hué par certains festivaliers, a été repêché par certains médias hollywoodiens. Avant le palmarès, il ressort toutefois comme le grand bide de la Mostra. L'allégorique et cauchemardesque thriller met en scène une Jennifer Lawrence terrorisée, dans un scénario né de la vision très sombre de la planète du cinéaste féru d'écologie.
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