Robeï, un Éthiopien de 20 ans, se lave "chaque jour" à une évacuation d'eau usée qui se jette dans un canal, à quelque dizaines de mètres d'usines chimiques. "Eau non potable", précise un écriteau traduit en anglais et en arabe.
"Ce n'est pas super, mais je n'ai pas trouvé d'autres solutions", lance le jeune homme en haussant les épaules. Odeur de gel douche, bouteilles de shampooing, dentifrice et serviettes à terre, témoignent de la présence régulière de migrants optant pour la même solution.
"En dehors de la question de la dignité, en termes d'hygiène, on ne peut pas laisser des gens se laver dans un canal ou les égouts", dénonce Franck Esnée, coordinateur régional de Médecins du Monde, soulignant "l'urgence sanitaire". Ce manque d'hygiène entraîne la "gale, des problèmes de peau, des boursouflures, des plaies infectées", liste-t-il, disant sa crainte "que des gens se lavent avec de l'eau polluée".
Une inquiétude repoussée par la préfecture, qui affirme que "l'analyse (...) des rejets d'eau usée par l'entreprise n'a pas révélé (...) d'anomalie", mais que celle-ci a quand-même dû remettre aux normes son système d'évacuation après des "contrôles inopinés".
Plusieurs fois par semaine, "les forces de police gazent les personnes et mettent leurs affaires à la poubelle, donc les gens n'ont plus de vêtements propres", regrette-t-il aussi, blâmant la "stratégie de l'épuisement" des autorités à Calais. Une mission de l'IGPN est d'ailleurs en cours pour évaluer l'action des services de police, accusés à de multiples reprises par les associations de violences envers les migrants.
A Calais, l'État a installé des points d'eau froide et des sanitaires, sur arrêt du Conseil d'Etat le 31 juillet, qui n'ordonnait pas explicitement cependant la mise en place de douches tout en précisant que les migrants devaient pouvoir se laver. Seuls les migrants les plus "vulnérables", notamment les personnes malades, peuvent se doucher à la Pass (Permanence d'accès aux soins de santé), un préfabriqué posé sur un parking près de l'hôpital de Calais. Il n'y a pas d'autre installation, par peur de provoquer un "appel d'air".
'Réponse citoyenne'
Alors, les associations s'organisent : à l'est de Calais, un camion de l'Auberge des Migrants stationne à côté d'un groupe d'Afghans. Les associatifs déploient une douche confectionnée par leurs soins, avec palette en bois, rideau et pommeau, ainsi qu'un portant de miroirs plébiscités par les migrants, pour un regard, un coup de peigne ou de rasoir.
"Les douches sont solaires, alors la météo calaisienne ne nous permet pas d'offrir des douches confortables chaque jour. Ce n'est pas parfait, mais c'est une réponse citoyenne et bénévole", juge Sylvain Marty de l'Auberge des Migrants.
"On dort par terre, parfois sous la pluie; nous sommes aspergés de gaz par la police, on a besoin de se laver, donc c'est plutôt bien, ça rend la vie un peu plus facile", sourit Ayif Khan, un Pakistanais de 22 ans, qui affirme se laver parfois dans la mer. "C'est mieux que rien, mais vous iriez vous doucher là, vous ?", questionne un de ses amis.
"Encore une fois, ce sont les associations qui répondent avec leurs petits moyens associatifs. On répond à l'ultra précarité par la précarité", regrette Frank Esnée.
La préfecture, elle, dit avoir "entendu la demande des associations d'élargir l'accès aux douches au-delà de ce que prévoient" les décisions de justice et promet une réunion "avant la fin de la semaine (...) sur un dispositif complémentaire".
Au bord d'une départementale, dans la cour du Secours Catholique, les réfugiés se lavent aussi grâce aux cinq robinets installés par l'État.
"Le seul endroit à Calais où les migrants peuvent avoir accès à l'eau potable 24H/24, note Xavier Baudson, membre de l'association, mais l'eau est froide, alors certains bénévoles invitent les migrants à prendre une douche chez eux".
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