Le groupe pharmaceutique répondra de "tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d'influence", selon une source judiciaire, confirmant une information révélée mardi par France Inter.
Au terme de leur ordonnance, les juges d'instruction ont également renvoyé devant le tribunal, pour "blessures et homicides involontaires", l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui n'a pas souhaité réagir. Au total, onze personnes morales et quatorze personnes physiques seront jugées.
Prescrit pendant plus de 30 ans à cinq millions de personnes en France, cet anti-diabétique était largement utilisé comme coupe-faim. Le Mediator avait été retiré du marché en novembre 2009, deux ans après les révélations du Dr Irène Frachon, à l'origine de la médiatisation de l'affaire.
La réquisitoire du procureur de Paris du 24 mai, confirmé en tous points par les juges, "déroule implacablement le récit de ce crime industriel hors norme au terme d'une instruction exemplaire, constamment entravée par les manoeuvres dilatoires des conseils de Servier", a réagi auprès de l'AFP la pneumologue brestoise.
Durant six années d'information judiciaire, trois ont été "exclusivement consacrées à la procédure à la suite de multiples demandes et recours faits par la défense des mis en cause", avait déploré en janvier le procureur François Molins.
A l'annonce de leur renvoi en correctionnelle, les laboratoires Servier ont dénoncé une instruction "tronquée" qui a minimisé, selon eux, la responsabilité des autorités administratives. "L'action de l'Agence du médicament, de ses hauts fonctionnaires et de sa tutelle ministérielle a été occultée, alors que le Mediator était sous enquête nationale de pharmacovigilance de 1995 jusqu'en 2009", ont accusé les laboratoires dans un communiqué.
Un procès en 2018 ?
"Même si Servier indemnise les victimes, les personnes malades et les proches de personnes décédées sont dans l'attente d'un procès pénal pour identifier les responsabilités, du côté des laboratoires, des agences étatiques comme l'Agence du médicament (ANSM) ou parmi les experts dans les commissions de contrôle du médicament", a réagi Charles Joseph-Oudin, avocat de parties civiles.
"Il reste à organiser ce procès dont on espère qu'il se tiendra en 2018", a ajouté ce fer de lance de ce combat judiciaire. Une porte-parole de Servier a indiqué mardi qu'"aucun recours" n'était envisagé.
Le procès devrait alors réunir, dans une configuration exceptionnelle, 4.129 parties civiles mais il se tiendra sans le principal protagoniste: Jacques Servier, fondateur des laboratoires, mort en 2014 à 92 ans.
Au total 11 personnes morales, dont des sociétés de la galaxie Servier, ainsi que 14 personnes physiques seront appelées à comparaître. Parmi ces dernières, l'ancien numéro deux du groupe, Jean-Philippe Seta, des fonctionnaires, des médecins ou encore l'ex-sénatrice Marie-Thérèse Hermange (UMP), soupçonnée d'avoir rédigé en 2011 un rapport favorable à Servier.
Dans son réquisitoire, le parquet estimait que les laboratoires avaient mis en place une "stratégie" pour dissimuler son caractère anorexigène et n'avaient pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare incurable, et ceux de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) qui lui étaient imputables. La dangerosité de certains types d'anorexigènes proches du Mediator était documentée au moins depuis 1995.
Le parquet, en se basant sur la dernière expertise judiciaire, avait chiffré entre 1.520 et 2.100 le nombre de décès à long terme causés par le Mediator.
Selon les magistrats, il y a "une volonté délibérée de ne pas faire apparaître la norfenfluramine", molécule toxique à l'origine du retrait en 1997 de l'Isoméride, autre coupe-faim de Servier, comme entrant également dans la composition du Mediator.
L'affaire du Mediator fait déjà l'objet d'une procédure pénale au tribunal de Nanterre saisi par le biais de citations directes. La Cour de cassation devrait avoir à se prononcer sur une éventuelle jonction au procès parisien.
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