Environ 20.000 personnes seraient bloquées à la frontière entre les deux pays, dont certaines tentaient de traverser une rivière, à la nage ou sur des rafiots de pêche, pour se réfugier dans le pays voisin, au péril de leur vie. Dix-huit corps ont été retrouvés vendredi sur la rive bangladaise.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres a appelé les forces de sécurité birmanes à la "retenue" contre la minorité musulmane.
"Le secrétaire général s'inquiète fortement des informations sur les débordements durant les opérations conduites par les forces de sécurité de Birmanie dans l'Etat de Rakhine et il appelle à la retenue et au calme pour éviter une catastrophe humanitaire", a indiqué vendredi un porte-parole.
L'armée birmane avait annoncé plus tôt dans la journée sur sa page Facebook que "les corps de 370 terroristes avaient été retrouvés" et que 15 soldats et 14 civils avaient également été tués dans ces opérations.
Le dernier bilan il y a deux jours faisait état de 110 morts.
Les violences ont commencé après l'attaque vendredi dernier (25 août) d'une trentaine de postes de police par la rébellion naissante, l'Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA). Depuis ce jour là, l'armée birmane a lancé une vaste opération dans cette région très pauvre et reculée.
Des dizaines de milliers de Rohingyas ont pris la route. Selon les derniers chiffres de l'ONU vendredi, 38.000 personnes sont arrivées au Bangladesh depuis une semaine. Ces réfugiés sont quasiment tous des Rohingyas.
Et comme lors de la dernière explosion de violence en octobre dernier, l'armée est accusée d'exactions.
Originaire du village de Kyet Yoe Pyin, une jeune Rohingya a raconté que le cauchemar qu'a vécu son village quand l'armée est arrivée.
"L'armée et des complices bouddhistes sont venus dans notre village et ont cruellement assassiné les hommes, les femmes et les enfants", a confié par téléphone à l'AFP, cette jeune Rohingya de 23 ans, tout juste réfugiée à Cox's Bazar au Bangladesh. L'AFP n'a pas vu vérifier ces informations.
La région est bouclée depuis octobre par l'armée et aucun journaliste ne peut s'y rendre de façon indépendante.
Des survivants ont raconté à l'ONG locale Fortify Rights que pendant près de cinq heures l'armée avait semé le chaos dans le village de Chut Pyin.
"Mon frère est mort brûlé. Nous avons trouvé les autres membres de ma famille dans les champs. Ils avaient des marques d'impact de balles et certains des blessures par arme blanche", a raconté Abdul Rahman, 41 ans.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié de "génocide" les violences perpétrées. "Ceux qui ferment les yeux sur ce génocide perpétré sous couvert de démocratie en sont les collaborateurs", a-t-il dit lors d'un discours célébrant la fête musulmane du sacrifice (Aïd al-Adha) à Istanbul.
M. Erdogan a réitéré sa volonté d'aborder le sujet lors de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, plus tard ce mois-ci.
- Frontière fermée -
Une partie de ceux qui ont réussi à fuir les combats se retrouvent bloqués à la frontière avec le Bangladesh, sans aucune ressource, une situation humanitaire jugée sérieusement préoccupante par l'ONU.
Son envoyée spéciale pour les Nations unies en Birmanie, Yanghee Lee, a réclamé que le cycle de la violence soit "rompu de manière urgente".
Plus de 400.000 réfugiés rohingyas se trouvent déjà au Bangladesh après avoir fui lors de vagues de violences précédentes. Et le pays, qui ne veut plus en accueillir davantage, a fermé sa frontière.
Désespérés, nombre de Rohingyas tentent donc leur chance à la nage ou sur des petites embarcations à travers la rivière Naf, qui marque une frontière naturelle entre la Birmanie et la pointe sud-est du Bangladesh.
Les flots de ce cours d'eau peuvent être particulièrement capricieux en cette période de mousson en Asie du Sud.
Au total, ces derniers jours 41 se sont échoués, a indiqué un officiel de la région de Cox's Bazar, sous le couvert de l'anonymat.
Des centaines d'autres villageois de l'ethnie Rakhine, bouddhistes, ont également fui leurs habitations pour rejoindre les villes birmanes hors de la zone des troubles.
Une commission internationale dirigée par l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a récemment appelé la Birmanie à donner plus de droits à sa minorité musulmane des Rohingyas, qui compte environ un million de personnes, faute de quoi elle risque de "se radicaliser".
Mais le pouvoir birman, emmené par l'ex-dissidente Aung San Suu Kyi, est jusqu'ici sur une ligne dure, dans le sillage de l'armée.
La lauréate du prix Nobel de la paix a accusé lundi les "terroristes" rohingyas, qui mènent ces attaques meurtrières dans l'ouest du pays, d'utiliser des enfants soldats et de mettre le feu à des villages.
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