Les syndicats mécontents
Tous les syndicats, sans exception, ont exprimé des critiques vis-à-vis des cinq ordonnances présentées jeudi.
Pour Laurent Berger (CFDT), qui a fait part de sa "profonde déception", "le dogmatisme l'a emporté". La CGT de Philippe Martinez a dénoncé une "loi travail XXL" qui sonne la "fin du contrat de travail". La CFE-CGC a anticipé une "précarisation plus importante des salariés".
Quant à FO et la CFTC, bien que plus prudentes dans le verbe, elles ont aussi exprimé des inquiétudes. "Des désaccords ou oppositions importants persistent" pour FO, tandis que la CFTC "ne cautionne pas" certaines mesures, comme les négociations sans syndicats dans les TPE.
FO ne battra pas le pavé
Malgré cette unanimité, seule la CGT transformera son mécontentement en mobilisation. Elle manifestera le 12 septembre avec Solidaires et la FSU, mais sans Force ouvrière, avec qui elle était pourtant main dans la main contre la loi El Khomri en 2016.
Pour Stéphane Sirot, historien spécialiste du mouvement syndical, le revirement de FO est plus lié à sa stratégie interne qu'au fond du texte. "On l'a un peu oublié, mais fondamentalement, Force ouvrière se veut un syndicat réformiste" et, "de son point de vue, elle n'a pas tiré les dividendes du mouvement de 2016", analyse-t-il.
"FO est apparu l'an dernier comme étant plutôt la voiture balai, la CGT étant la locomotive", poursuit-il.
L'année dernière, "le résultat n'a pas été au rendez-vous", estime aussi Jean-François Amadieu, professeur en sciences sociales, pour qui Force ouvrière a aussi pu être échaudé par les violences dans les manifestations.
Selon M. Sirot, "FO avait décidé d'emblée, avant même la concertation, de ne pas participer", mais "la position de Jean-Claude Mailly ne fait pas l'unanimité à Force ouvrière".
Un contexte différent de la loi El Khomri
Sur le fond, les ordonnances Pénicaud sont dans la continuité de la loi El Khomri. Elles reprennent plusieurs mesures présentes dans sa première version, comme le plafonnement des indemnités prud'homales, et suivent la même logique, en donnant la primauté aux accords d'entreprises sur les conventions de branches sur de nouveaux thèmes, comme les primes.
La réforme suscite d'ailleurs, comme sa devancière, une forte opposition dans l'opinion publique (58% selon un sondage Harris Interactive publié vendredi).
Mais si Myriam El Khomri avait dû défendre une loi qui n'avait pas été annoncée en amont par François Hollande, la plupart des mesures de l'actuelle réforme figuraient au programme d'Emmanuel Macron.
Autre différence: la plupart des partenaires sociaux, même ceux opposés aux ordonnances, ont salué un changement de méthode. En 2016, ils avaient découvert le projet de loi dans la presse; cette année, ils ont été consultés et ont eu la primeur des annonces.
La mobilisation va-t-elle prendre malgré tout ?
Si les syndicats avancent en ordre dispersé, cela ne présage pas de l'ampleur de la mobilisation. "Ce qui crée une mobilisation, ce n'est pas des appels d'état-major, c'est la réaction qui vient des profondeurs de la société, des citoyens, des salariés", prévient Stéphane Sirot.
D'autant que l'opposition n'est pas que syndicale: La France insoumise soutient l'appel de la CGT pour le 12 septembre et organise elle-même une mobilisation le 23 septembre contre ce qu'elle qualifie de "coup d'Etat social".
"L'une des problématiques va être de voir comment cette double contestation, mélangeant le social et le politique, parviendra ou non à se coordonner, voire à faire jonction. Si elle s'articule, cela peut permettre de faire durer l'agitation et le débat", estime M. Sirot.
Un autre élément pourrait renforcer le mouvement, selon Jean-François Amadieu: le mécontentement des fonctionnaires. Pas concernés par le code du travail, ils sont pourtant "traditionnellement le gros bataillon des manifestations" et leur opposition au rétablissement du "jour de carence ou à la hausse de la CSG" pourrait les pousser dans la rue.
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