Varsovie se met "en marge de l'UE", a taclé le chef d'Etat français depuis la Bulgarie, après que la Première ministre souverainiste polonaise Beata Szydlo a rappelé que son pays, large exportateur de travailleurs, défendrait le statu quo "jusqu'au bout".
"Le peuple polonais mérite mieux que cela et la Première ministre aura beaucoup de mal à expliquer qu'il est bon de mal payer les Polonais", a estimé M. Macron à Varna, dernière étape d'une tournée de trois jours.
Varsovie "décide d'aller à l'encontre des intérêts européens sur de nombreux sujets". Or "l'Europe s'est construite pour créer de la convergence, c'est le sens même des fonds structurels que touche la Pologne", a-t-il souligné.
Mme Szydlo a en retour taxé le jeune président français d'"arrongance", évoquant son "manque d'expérience".
Paris souhaite limiter à un an le travail détaché, qui permet aux entreprises des pays à coût moindre d'envoyer temporairement des travailleurs dans les pays riches, au risque de favoriser le dumping social. La France entend aussi renforcer les contrôles.
Soutenu par Berlin et Vienne, le président français a rencontré les dirigeants tchèques, slovaques, roumains et bulgares, qui tous se sont dit d'accord pour discuter d'une réforme de la directive européenne régissant cette pratique.
"Tous les pays savent qu'il y a un problème et qu'il faut changer les choses", a résumé vendredi le Premier ministre bulgare, Boïko Borissov, à Varna.
Même sans engagement chiffré, cette ouverture constitue une avancée diplomatique puisque ces Etats avaient au printemps dernier refusé tout amendement du texte.
'Accord possible'
M. Borissov, dont le pays assurera la présidence tournante de l'UE en janvier et qui doit recevoir la dirigeante polonaise mi-septembre, a cependant mis en garde contre toute tentation de passage en force face aux réticences de Varsovie et Budapest.
"La Pologne et la Hongrie sont nos amis, une part importante de l'UE. Il serait fatal que les relations entre les pays de l'UE passent dans une phase de confrontation ouverte", a-t-il déclaré.
La France, qui avait fait bloquer un premier accord jugé trop laxiste en mai, en espère un dès octobre lors d'un sommet social à Bruxelles.
"Je retire de ce déplacement la conviction que d'ici la fin de l'année un accord à majorité qualifiée est possible, selon les termes ambitieux mis sur la table par la France, ce sera incomparable avec situation actuelle et bien meilleur que l'accord initialement prévu", a confié M. Macron vendredi.
Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a jugé nécessaire de trouver "un compromis" dans ce dossier, rappelant que "la liberté de circulation, qui est une des grandes libertés de l'Europe, doit aller de pair avec le combat contre le +dumping social+".
En échange, Emmanuel Macron a accepté de séparer la discussion sur les transporteurs routiers et assuré la Bulgarie et la Roumanie de son soutien pour une entrée à terme dans l'espace Schengen, mais une fois celui-ci réformé. Il a aussi promis de soutenir l'entrée de la Bulgarie dans "l'antichambre de la zone euro".
Il a par ailleurs plaidé devant tous les dirigeants en faveur de son projet de "refonder l'Europe" autour d'un coeur de pays les plus décidés à accepter un convergence dans tous les domaines, et expliqué qu'il proposerait en fin d'année une "feuille de route" pour l'UE dans les cinq à dix ans.
"Si nous ne proposons pas une perspective européenne aux Balkans occidentaux, ce sont eux qui proposeront une perspective balkanique à l'Europe", a pour sa part prévenu le président bulgare, Roumen Radev.
"Ce n'est ni le président de la France ni aucun autre dirigeant qui décidera personnellement de l'avenir de l'Europe mais l'ensemble des membres de la communauté", a souligné de son côté Mme Szydlo. "L'important est de ne pas créer de clivage en Europe et d'avancer", a convenu M. Macron.
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