"Elle n'est plus ici... Elle est partie dès mercredi", a déclaré à l'AFP un responsable de son parti, le Puea Thai, sous le couvert de l'anonymat.
Les rumeurs les plus folles ont circulé toute la journée sur les façons dont Yingluck Shinawatra, âgée de 50 ans et mère d'un adolescent, aurait fui le pays, Singapour étant la destination la plus fréquemment évoquée.
Elle rejoint ainsi son frère Thaksin, ex-Premier ministre ayant pris la route de l'exil en 2008 après avoir été condamné à deux ans de prison pour corruption. Un procès qu'il dénonçait lui aussi déjà à l'époque comme politique.
Le retard de Yingluck à l'énoncé de son verdict vendredi matin avait peu à peu suscité l'étonnement parmi les milliers de manifestants et nombreux journalistes venus assister à la Cour suprême.
"Son avocat dit qu'elle est malade et demande de repousser le verdict... Le tribunal ne croit pas qu'elle soit malade... et a décidé d'émettre un mandat d'arrêt", avait finalement révélé le juge Cheep Chulamon.
A l'extérieur de la Cour suprême, où l'attendaient des milliers de ses partisans -et plus de 4.000 membres des forces de l'ordre-, l'annonce avait déclenché la confusion. "Sois combative, le crabe!" ("boo su su" en thaï), chantaient encore peu avant ces partisans, utilisant le surnom affectueux donné à Yingluck.
Tout au long des 18 mois de son procès, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant le tribunal pour offrir à Yingluck des fleurs, mais vendredi l'ambiance était plus sombre.
Car celle dont le gouvernement a été renversé par un coup d'Etat militaire en mai 2014 risquait gros: dix ans de prison ferme si elle avait été reconnue coupable de négligence dans la gestion d'un programme de subvention aux riziculteurs par son gouvernement.
Ses deux co-accusés ont été condamnés à de lourdes peines: 42 ans pour son ancien ministre du Commerce Boonsong Teriyapirom, et 36 ans pour son adjoint.
Procès 'politique'
Début août, Yingluck avait dénoncé un procès "politique" mené par la junte, qu'elle accusait de vouloir nettoyer la scène politique de l'influence des Shinawatra qui remportent tous les scrutins nationaux depuis 2001.
"La Première ministre a fait de son mieux, elle s'est beaucoup sacrifié. maintenant les gens doivent se battre par eux-mêmes", a réagi à l'annonce de son absence Seksan Chalitaporn, dans la foule de manifestants.
Tous dénoncent le clivage au sein de la société thaïlandaise entre les partisans des Shinawatra, riziculteurs et pauvres pour la plupart, et les élites de la capitale, dont les généraux ayant pris le pouvoir.
"Les pauvres sont la majorité. Les riches ne sont que quelques familles et des groupes de Bangkok. Nous sommes la majorité", s'emporte Nan, 62 ans.
Ce procès avait en effet une forte dimension symbolique, dans ce pays profondément divisé entre pro et anti-Shinawatra, Chemises rouges contre Chemises jaunes, pour reprendre les codes de couleur utilisés par les deux camps.
Au coeur du procès: l'achat par le gouvernement de Yingluck de riz aux riziculteurs, vivier électoral des Shinawatra, à un prix supérieur à celui du marché. Tout au long de son procès, cette héritière d'une riche famille du nord du pays a défendu ce programme comme une aide nécessaire pour soutenir les riziculteurs pauvres, qui reçoivent historiquement peu d'aide du gouvernement.
Le départ de Yingluck en exil, où elle rejoint son frère Thaksin, sonne la fin de plus de dix ans de domination de la scène politique par la famille Shinawatra.
"C'est la fin des Shinawatra et du parti Puea Thai en politique. Avec deux membres de la famille en fuite, la famille a perdu sa légitimité politique", souligne la politologue Puangthong Pawakapan.
Et la junte militaire, qui a promis des élections à l'horizon 2018, a tout à gagner à cette désertion, plutôt que d'avoir à gérer la transformation de Yingluck en icône de la démocratie, si elle avait été emprisonnée.
jta-ask-tp-dth/roc
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