Pour certains pensionnaires, il faut panser les blessures physiques et psychiques des violentes émeutes de l'été 2011 à Londres, Birmingham, ou Liverpool. Et pour d'autres, oublier les échauffourées du stade de West Ham à Upton Park (est de Londres) au printemps 2016.
On ne pouvait rêver retraite plus douce pour les 22 chevaux - âgés de 9 à 28 ans - que ce havre de tranquillité fondé en 2010 à Brantôme (Dordogne) par Roland et Alison Phillips, un couple de Britanniques retirés en Périgord.
Ancien inspecteur de Scotland Yard, Roland, 60 ans, s'est installé en 2009 dans ce département très "british" du Sud-Ouest, où vivent plusieurs milliers de Britanniques. Et c'est là qu'il offre "une seconde vie" à ces chevaux. Une vie qui peut être longue : Walter, le doyen des écuries, vient de s'éteindre à l'âge canonique "de 34 ans et des poussières".
"Ici, ils sont heureux" dit Roland, qui a repris le flambeau de sa mère Sylvia, déjà fondatrice d'un refuge pour chevaux maltraités dans le Devon (Sud-Ouest de l'Angleterre) en 1976. Refuge qu'il gère aujourd'hui en même temps que le sien.
En Grande-Bretagne, il n'existe en effet aucun budget public pour les chevaux devenus inaptes au travail. Et sans des associations comme The Horse Trust (qui accueille aussi ceux de la police ou de l'armée), ou des refuges comme celui des Phillips, la seule alternative serait l'euthanasie…
Pour arriver dans le "Dordogneshire", les anciennes montures de la police de sa Majesté prennent donc le camion et le ferry, certains pouvant parcourir un millier de kilomètres.
Les Phillips ont un employé à temps partiel et, le reste du temps, s'appuient sur la famille et des bénévoles. Pour financer le transport, très coûteux, et l'entretien des chevaux, la pension vit des dons des adhérents de l'association "Brantôme Police Horses" et de l'organisation d'événements in situ (mariages, journées portes ouvertes, concerts et goûters "à l'anglaise").
Pas de lacrymos, mais des chevaux
Pour Ranger, le dernier arrivé, c'est la "retraite anticipée" à l'âge de 9 ans, après un traumatisme subi lors de l'opération anti-émeutes d'Upton Park, l'an dernier.
Outre-Manche, rappelle en effet Roland, "l'usage des gaz lacrymogènes et des canons à eau est interdit" et la police n'a pas d'autre recours que ses chevaux pour disperser les foules.
Ranger souffre, depuis, d'une arthrite "aussi sévère qu'anormale pour son âge", sans doute liée au stress des innombrables pétards et projectiles jetés quand il a dû disperser les dizaines de supporters déchaînés de West Ham, venus attaquer le car de l'équipe de Manchester United, raconte Roland.
"Mais ici, rien n'empêche ce nouveau pensionnaire de vivre jusqu'à 28 ans, l'espérance de vie moyenne d'un cheval de ce calibre", ajoute-t-il.
Pour Lewis, âgé de 15 ans, le traumatisme est plus ancien et d'autant plus sévère qu'il "était, par nature, bien trop fragile pour travailler dans la police", explique Roland. Il lui a fallu six longues années de patience pour "remettre en confiance" ce vétéran meurtri des émeutes de 2011.
À son arrivée à La Grange, Lewis restait prostré au fond du box, fuyant toute présence humaine ou animale. Six ans plus tard, il est la première attraction des journées "portes ouvertes" de la pension de Brantôme, et accueille sans ciller les caresses de centaines de visiteurs.
Mais Brantôme n'accueille pas que des "gueules cassées" de la police.
Comic, un Clydesdale bai foncé, né en 1995, a pris sa retraite après une longue carrière de chasse à courre.
Bella, 5 ans, fille de chevaux de rodéo, a été abandonnée pour une simple anomalie génétique, avant de trouver refuge à Brantôme. La jument bai foncé, fruit de l'union d'un bel étalon palomino et d'une jument blanche et noire, est née "un peu trop petite et... de la mauvaise couleur".
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