Directeur artistique du Centre Gogol, célèbre théâtre contemporain de Moscou, et réalisateur de films présentés aux festivals de Cannes ou Venise, M. Serebrennikov, 47 ans, est soupçonné de "fraude à grande échelle", un délit passible de dix ans d'emprisonnement, a annoncé dans un communiqué le Comité d'enquête, service chargé des principales affaires et répondant directement au Kremlin.
Son avocat a indiqué à l'agence Ria-Novosti qu'il avait été interpellé lors d'un tournage à Saint-Pétersbourg puis emmené à Moscou, où il doit se voir signifier son inculpation avant que soit décidé un éventuel placement en détention provisoire ou une assignation à résidence.
Selon les enquêteurs, il est soupçonné d'avoir "organisé le détournement d'au moins 68 millions de roubles", soit un peu moins d'un million d'euros au taux actuel, attribués par l'Etat entre 2011 et 2014 au projet "Plateforme" mené par son théâtre précédant, le Studio-7.
Le metteur en scène, qui avait jusqu'alors le statut de témoin, a rejeté en juin ces accusations comme "une situation absurde et schizophrénique". Selon lui, les enquêteurs lui reprochent d'avoir bénéficié de fonds publics pour ce projet qui n'aurait jamais vu le jour alors qu'il s'est poursuivi pendant trois ans et l'un des spectacles, le Songe d'une nuit d'été, ayant été montré plus de 100 fois depuis.
Kirill Serebrennikov a été récompensé en 2016 du prix François Chalais à Cannes pour son film "Le Disciple" et son dernier film, "Trahison", a été en compétition à la Mostra de Venise. Il est le directeur artistique du Centre Gogol, scène ronronnante qu'il a transformée en lieu incontournable de la scène théâtrale contemporaine à Moscou et dont l'audace des mises en scène ont été critiquées par des militants orthodoxes et le ministère de la Culture.
Ballet annulé
Les perquisitions menées à son domicile en mai dans le cadre de cette affaire avaient provoqué une vive émotion dans les milieux culturels russes mais aussi à l'étranger, lui attirant de nombreux messages de soutien de la part notamment de l'actrice française Isabelle Huppert.
Des acteurs et des directeurs de théâtre français dont le directeur du festival d'Avignon Olivier Py avaient dénoncé dans une lettre publiée dans le quotidien Libération le "traitement inadéquat" réservé à "ce trublion génial de la scène théâtrale et du cinéma russe (qui) paye douloureusement sa liberté de création".
Plusieurs spectacles ou expositions ont été ciblés par des activistes orthodoxes ces dernières années au nom des valeurs conservatrices prônées par Vladimir Poutine et le ministre de la Culture Vladimir Medinski.
Le Kremlin a toujours démenti tout caractère "politique" dans l'affaire visant Kirill Sebrennikov. Interpellé par un acteur lors d'une cérémonie publique sur ce cas, Vladimir Poutine aurait qualifié d'"imbéciles" les responsables de cette enquête, selon un journaliste du quotidien Kommersant présent.
M. Medinski a de son côté assuré que l'affaire n'avait "aucun rapport avec les gouts et les couleurs ni avec la création", reconnaissant être "comme spectateur très éloigné de l'esthétique de Serebrennikov" et disant son "incompréhension" qu'un "créateur controversé" occupe des postes de gestionnaire d'établissements subventionnés.
L'affaire a été relancée début août après le témoignage à charge de l'ancienne comptable du Studio-7, actuellement en détention provisoire, rapporté par des médias russes.
Le metteur en scène s'est vu récemment confisquer son passeport bien qu'il soit attendu en septembre à Stuttgart pour monter une version de l'opéra allemand "Hänsel et Gretel".
Début juillet, le vénérable théâtre Bolchoï de Moscou a annulé, quelques jours avant la première, un ballet consacré au danseur Rudolf Noureev mis en scène par M. Serebrennikov. Face aux spéculations, son directeur Vladimir Ourine a invoqué des problèmes de "qualité" et rejeté toute pression des autorités, assurant que le spectacle serait montré plus tard dans la saison.
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