Comme dans un jeu du chat et de la souris, plusieurs réseaux sociaux et sites connus pour leurs contenus d'extrême droite ont été chassés à plusieurs reprises du web dans le sillage des violentes manifestations extrémistes de cette ville de l'Est des Etats-Unis, où un sympathisant néo-nazi a semé la terreur en fonçant dans la foule, tuant une jeune femme.
Le site Daily Stormer, dont le fondateur, Andrew Anglin, clame ouvertement son admiration pour Adolf Hitler, a ainsi traversé plusieurs jours mouvementés: d'abord fermé par l'hébergeur américain GoDaddy, il a tenté de changer d'adresse avant d'être bloqué une nouvelle fois par Google. La troisième tentative, sous un nom de domaine russe, n'a pas été plus fructueuse. Puis un grand prestataire américain de services de sécurité pour des millions d'hébergeurs et de sites, Cloudfare, a à son tour affirmé qu'il bloquerait Daily Stormer.
Quant au réseau social prisé par les groupes d'extrême droite, Gab, il a lui vu son application supprimée de la boutique Google Play, sur Android, tandis que les comptes Facebook et Instagram d'autres groupes extrémistes ont été bloqués.
'Pas de nazis sur OkCupid'
La vague d'expulsions est même arrivée jusqu'au site de rencontres OkCupid, qui a éjecté jeudi un suprémaciste blanc, Chris Cantwell.
"Chez OKCupid nous prenons les droits fondamentaux de chacun très sérieusement", a commenté son patron, Elie Seidman. Mais "le privilège d'appartenir à la communauté d'OKCupid ne s'étend pas aux nazis et aux suprémacistes", a-t-il ponctué.
Ces décisions catégoriques ont réveillé un débat d'autant plus épineux aux Etats-Unis que la liberté d'expression y est quasi sacrée: les entreprises privées contrôlant pratiquement tous les services offerts sur internet doivent-elles avoir le pouvoir de prendre de telles initiatives?
Non, selon Electronic Frontier Foundation, groupe de réflexion spécialisé dans les droits civiques à l'ère numérique, qui dénonce une censure "dangereuse" de la part de GoDaddy, Google et Cloudflare.
"Nous devons reconnaître que sur internet, toute tactique employée pour faire taire les néo-nazis sera bientôt appliquée contre d'autres, y compris des gens avec lesquels nous sommes d'accord", soulignent ses membres.
"Nous ne défendons pas la liberté d'expression parce que nous sommes d'accord avec ce qui se dit. Nous le faisons parce que nous pensons que personne - pas le gouvernement ni les entreprises privées - ne devrait pouvoir décider qui peut parler et qui doit se taire".
Même le PDG de Cloudflare, Matthew Prince, a reconnu le côté arbitraire de sa prise de position contre le Daily Stormer dans un message à ses employés.
"Ma logique derrière cette décision était simple: les gens derrière le Daily Stormer sont des cons et j'en ai assez", écrit-il sans détours. "Je me suis littéralement réveillé de mauvaise humeur et j'ai décidé que quelqu'un devrait être interdit d'accès à internet. Personne ne devrait avoir ce pouvoir".
- Propos haineux protégés -
Réseau social suivant le modèle de Twitter, Gab a été lancé l'année dernière par un libertaire, farouche défenseur de la liberté d'expression, Andrew Torba, et compte désormais plus de 200.000 utilisateurs, selon son porte-parole Utsav Sanduja.
La plupart de ses contenus sont fortement marqués à l'extrême droite, avec des messages ouvertement antisémites et racistes, mais Utsav Sanduja assure que Gab compte aussi des utilisateurs d'extrême gauche ainsi que des contenus apolitiques.
C'est pourtant bien un pic de messages d'extrême droite qui a poussé Google Play à supprimer Gab de ses offres la semaine dernière.
"Les applications de réseaux sociaux doivent démontrer que les modérateurs jouent un rôle suffisant, notamment pour les contenus incitant à la violence et prônant la haine contre certains groupes", a expliqué un porte-parole de Google à l'AFP.
Mais pour le porte-parole de Gab, il ne s'agit que de censure, pure et simple, car, souligne-t-il, le premier amendement de la Constitution américaine défend la liberté d'expression, y compris quand les propos sont jugés insultants.
"Gab essaye de s'assurer que les utilisateurs jouissent de ces droits garantis par la constitution. Or ces groupes géants les suppriment", accuse-t-il. "La Cour suprême a tranché: les propos haineux sont aussi couverts par liberté d'expression".
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