"Que des voisins depuis toujours finissent par te faire ça...", se lamente Maria, serveuse dans un café, qui refuse de donner son nom dans une ville où tous se connaissent.
Les langues ne se délient guère que sous couvert de l'anonymat et la crispation était palpable après une journée d'arrestations marquée aussi par les perquisitions, sous le regard des villageois menées par de policiers portant des cagoules.
Elles se succèdent depuis que deux attentats ont ensanglanté jeudi Barcelone, à une centaine de kilomètres au sud, et quelques heures plus tard Cambrils, une station balnéaire catalane.
Deux voitures, lancées à vive allure contre des piétons y ont fait 14 morts et plus de 120 blessés.
Une nouvelle perquisition a eu lieu samedi pendant deux heures dans l'appartement d'un imam de Ripoll, d'après son colocataire, Nourddem, qui refuse de donner son nom de famille à l'AFP. "La dernière fois que je l'ai vu (l'imam) c'était mardi et il m'a dit qu'il allait voir sa femme au Maroc", assure Nourddem.
D'après El Pais qui cite des sources policières, l'imam pourrait être un des morts de l'explosion d'une maison, mercredi soir à Alcanar, dans l'extrême-sud de la Catalogne.
Ripoll attire aussi en hiver des skieurs sur la route des Pyrénées mais en été, le calme permet d'y écouter couler l'eau de la rivière qui la traverse, le Ter.
Buveurs de bière
La localité, fière de son statut de ville historique, avec un imposant monastère du IXe siècle, aurait aussi abrité au moins sept des douze suspects qui pourraient être impliqués dans les attentats: des jeunes de nationalité marocaine pour certains nés ici, de parents venus du Maroc.
Moussa Oukabir, 17 ans, né à Ripoll mais Marocain, son voisin d'immeuble Mohamed Hychami, de 24 ans, né à Mrirt, et Said Aallaa, de 18 ans, né à Naour au Maroc, sont tous morts dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir lancé à toute allure une Audi A3 sur la promenade de la station balnéaire de Cambrils. La voiture s'est encastrée contre un véhicule de la police et un policier les a abattus.
Au moins quatre personnes sont par ailleurs en garde à vue: dont des habitants du village et un homme de Melilla, enclave espagnole en Afrique du nord.
Un serveur assure en avoir croisé certains et leur avoir même "servi de la bière", à de nombreuses reprises. Le client d'un autre café, Albert Batlle, n'en revient pas, assurant qu'il avait toujours cru que ces choses n'arrivaient qu'aux autres.
Et dans l'immeuble d'un des présumés terroristes, une famille pleure. Yamila, une voisine qui a accepté de parler à une journaliste de l'AFP, assure que Said Aala, leur fils, était un jeune bien et travailleur. "Un ami l'appelé jeudi à 15h00 et il est parti faire un tour", dit-elle. C'était deux heures avant l'attentat de Barcelone.
Dans le village on parle de radicalisation récente de ces hommes, de jeune filles qui se voilent davantage et de certains habitants devenus plus religieux et de moins en moins sociables.
Des recherches dans la presse locale montrent une polémique autour d'une nouvelle mosquée, en 2008, et plus récemment une tribune dans un quotidien local en ligne se plaignant "d'insultes" à l'égard des musulmans mais aussi de la nécessité que l'exécutif de Catalogne "contrôle davantage la parole de certains imams qui prêchent lors du ramadan".
"Celui qui connaît les Maghrébins ne s'étonne pas", s'écrie un homme d'une soixantaine d'années. "Tu ne peux pas parler comme ça, ils ne sont pas tous pareils", lui répond une femme.
La dame n'était autre qu'une voisine d'un autre terroriste présumé Moussa Oukabir, né ici, de parents Marocains. Son frère aîné Driss, qui a été arrêté, "était bien élevé", assure-t-elle.
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