Ce marché éphémère, installé comme chaque année Place de la Bastille à Paris, à l'initiative du syndicat agricole du Modef (exploitants familiaux), entendait une nouvelle fois protester contre le "dumping sanitaire", à savoir l'importation de produits traités avec des pesticides interdits en France. Une revendication qui prend une résonance toute particulière, alors que le scandale des oeufs traités au fipronil s'est propagé depuis les Pays-Bas à au moins 17 pays d'Europe, dont l'Hexagone.
50 tonnes de fruits et légumes acheminés en Ile-de-France depuis le Sud-Ouest, dont 17 tonnes rien que pour Paris, ont été mises en vente "au juste prix", de 1,50 euro le kilo, par exemple, pour les tomates, dont la moitié va au producteur, là où les supermarchés les commercialisent à 2,50 euros le kilo, sans rémunérer davantage les paysans, ont fait valoir les organisateurs du marché éphémère.
Cette opération visait en premier lieu à "promouvoir la vente directe", a expliqué à l'AFP Raymond Girardi, producteur et vice-président du Modef, en estimant que les agriculteurs sont "spoliés par les centrales d'achat et la grande distribution, qui nous achètent nos produits très peu chers et les revendent très chers aux consommateurs".
Le Modef souhaite également promouvoir les circuits courts, alors que selon M. Girardi, les voisins plus ou moins proches, en Europe ou en Afrique, exportent vers la France des produits traités avec des molécules interdites sur le territoire.
Pour les cerises, "on a interdit le diméthoate (pesticide fréquemment utilisé contre le moucheron asiatique drosophila suzukii, ndlr), on sait très bien que l'Espagne, le Maroc, l'Italie continuent de l'utiliser, alors ça suffit", a ajouté M. Girardi, en demandant à l'Etat de "prendre ses responsabilités et de demander à chaque pays la liste des produits autorisés".
"Malheureusement, la crise sur les oeufs fait la démonstration de ce qu'on dit depuis des années sur les fruits et les légumes", a-t-il ajouté.
"C'est moitié prix !"
Une actualité dans l'esprit de certains consommateurs, comme Bebey, professeur de lettres âgé de 60 ans : "Ce qui me pousse à venir ? Eviter les intermédiaires entre le producteur et le consommateur", a-t-il expliqué à l'AFP, petites lunettes sur le nez, avant de dénoncer dans la foulée "un système industriel".
Il a dit penser "entre autres aux oeufs contaminés" et expliquer rechercher "d'autres possibilités de consommer", avant de repartir en traînant son chariot rempli à ras bord de haricots verts et de laitues.
"J'ai été élevée à la campagne", a raconté, la mine réjouie, Martine Cayrouse, 66 ans, qui, comme d'autres, était venue surtout par "solidarité" avec les producteurs, parce qu'il n'y a, pour une fois, "pas d'intermédiaires". Elle en a profité pour faire le plein de tomates et de prunes.
"C'est moitié prix !", s'est félicité, un brin plus terre à terre, Antonio Pereira, 57 ans, arrivé de l'autre bout de Paris.
A quelques mètres de là, observant des bénévoles débarrasser petit à petit les cagettes vides, un producteur habitué de l'opération, un brin désabusé, tranchait avec l'enthousiasme ambiant.
"En termes d'efforts pour l'environnement, on est en avance sur tout le monde et on n'est pas récompensés", a déploré auprès de l'AFP Gilbert Dufourg, producteur de pommes de terre à Fauillet (Lot-et-Garonne), près de Marmande.
Estimant que la grande distribution prend "trop de marges" sur les produits français, il a fustigé les produits importés "qui viennent sur nos étals, alors qu'on a des produits propres". Avant de conclure un brin fataliste: "on n'aurait pas besoin de venir (à Paris), si tout marchait bien".
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