"Nous sommes venus ici dans la maison de mon frère même si le secteur est dangereux. Nous avons retiré cinq mines qui se trouvaient dans les chambres", dit cette mère de famille, le visage caché par un keffieh à damiers noirs et blancs.
Avec son mari et ses sept enfants, la quadragénaire a abandonné sa maison détruite dans le centre-ville et s'est installée à Sabahiya, un des premiers quartiers conquis par les Forces démocratiques syriennes (FDS) --l'alliance kurdo-arabe soutenue par Washington-- depuis leur entrée début juin dans Raqa pour chasser l'EI.
"Nous ne laissons pas les enfants quitter la maison car nous avons peur qu'ils soient blessés par des mines", explique Anoud.
Les affaires de sa famille sont restées dans une camionnette blanche stationnée devant la maison. Ils veulent être prêts à fuir à tout moment.
"Nous vivons dans l'angoisse. Nous ne savons pas quand nous allons mourir. Espérons que Raqa soit libérée afin de pouvoir regagner en paix notre domicile", implore Anoud.
Son frère, comme la majorité des habitants de Raqa, a rejoint l'un des camps de déplacés à l'extérieur de la ville, plus sûrs, mais où les conditions de vie sont souvent déplorables.
'Bringuebaler ici et là'
Pendant qu'Anoud parle avec de grands gestes, son fils Ahmad, 11 ans, l'écoute en silence. Il a perdu la parole après avoir vu sa maison détruite et son père blessé lors d'un bombardement massif sur son quartier.
Une grande partie de Sabahiya a été détruite et des civils fouillent les gravats à la recherche de ce qui peut être sauvé.
"Nous sommes bringuebalés d'un lieu à l'autre. On part et on revient. Parfois je peux revenir chez moi, parfois je dois rester dehors", raconte Abou Ghanem, un habitant du quartier déplacé à plusieurs reprises avec sa famille en raison des combats.
"Nous n'avons pas les moyens de louer une autre maison ailleurs. Je n'ai pas d'argent pour acheter du pain ou des cigarettes. Parfois nous crevons de faim", explique ce sexagénaire, assis à même le sol, pendant que sa femme et ses enfants mangent dans une casserole.
Les raids aériens et les bombardements continuent de faire trembler les murs de leur maison alors que les vitres ont disparu depuis longtemps.
"Pourquoi reste-t-on ici? Pour mourir? Jusqu'à ce qu'une mine explose?", dit son épouse courroucée, qui elle, préfèrerait partir.
'Pas les moyens de partir'
Mais vivre dans un camp de déplacés n'est parfois pas plus simple.
Fatima Ahmad en a fait l'expérience, en fuyant dans un premier temps son quartier d'al-Roumaniya dans l'ouest de Raqa et en trouvant refuge dans un camp avec sa famille.
Mais, assure-t-elle, impossible d'y survivre sans argent pour acheter des produits de première nécessité. Elle est donc retournée à Raqa dans le quartier de Sabahiya.
"Que faire d'autre? Nous n'avons pas les moyens de partir", affirme cette mère de famille vêtue d'une robe noire.
Les conditions de vie dans les camps éparpillés à travers la province de Raqa sont dures, selon les agences de l'ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les déplacés sont confrontés à des chaleurs terribles, les médicaments de base sont souvent introuvables et il est difficile d'accéder à la nourriture et à l'eau potable.
Aussi, des dizaines de familles de Raqa ont fait le choix de braver le danger en restant dans leur ville.
"Il y a beaucoup de mines ici et nous sommes en permanence derrière nos enfants", dit-elle à l'AFP. "Nous n'avons rien, ni eau, ni électricité. Nous prenons l'eau des canaux d'irrigation et elle n'est pas propre".
La maison qu'elle squatte avec sa famille se trouve à proximité d'une position des FDS et les combattants leur offrent parfois du pain, du sucre et d'autres aliments pour survivre.
"Nous espérons que le danger va cesser. Nous en avons marre de vivre avec la mort et la peur", dit Fatima.
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