Le Touareg Ahmad al Faqi al Mahdi a été condamné en septembre à neuf ans de prison pour avoir "dirigé intentionnellement des attaques" en 2012 contre la porte de la mosquée Sidi Yahia et contre neuf des mausolées de Tombouctou, dans le nord du Mali.
Après avoir plaidé coupable à l'ouverture de son procès, cet homme aux petites lunettes avait demandé pardon à son peuple pour avoir saccagé ces monuments classés au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco et détruits à coups de pioche, de houe et de burin.
Né vers 1975, il était un membre d'Ansar Dine, l'un des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d'être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.
En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il avait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées de cette ville fondée à partir du Ve siècle par des tribus touareg et devenue un grand centre intellectuel de l'islam.
Aujourd'hui, un an après son procès, cette seconde ordonnance de réparations dans l'histoire de la Cour, établie en 2002 pour poursuivre des auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, pourrait être à la fois source d'espoir et d'inspiration malveillante.
A double tranchant
Ce jugement a "le potentiel d'apporter de l'espoir aux victimes de crimes similaires commis dans d'autres parties du monde", comme les destructions de Palmyre, en Syrie, et d'autres sites historiques en Irak par le groupe Etat Islamique, a indiqué à l'AFP Alina Balta, chercheuse en victimologie à l'Université de Tilburg, au sud des Pays-Bas.
Toutefois, "si l'on fait d'un dédommagement financier un élément central (...), cela risque de créer - face à la pauvreté - une incitation pour les gens dans d'autres villes à attaquer des sites de patrimoine culturel", a souligné le Fonds au profit des victimes, organe indépendant financé par des contributions volontaires publiques et privées.
Dans un document remis récemment à la Cour qui siège à La Haye, le Fonds a d'ailleurs appelé les juges à la vigilance quant à une éventuelle publicité dans le cas d'une compensation financière.
Car selon le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, les réparations peuvent, outre la compensation monétaire, prendre différentes formes, comme "une restitution de biens, des mesures de réhabilitation, ou des mesures symboliques telles que des excuses et des commémorations".
La Cour peut accorder une réparation individuelle ou collective, cette dernière présentant "l'avantage de fournir une assistance à une communauté entière et d'aider ses membres à reconstruire leur vie", avec par exemple la construction de centres fournissant des services aux victimes ou l'adoption de mesures emblématiques.
Lors de sa première ordonnance de réparations rendue fin mars, la CPI avait attribué 250 dollars "symboliques" à chacune des 297 victimes d'un ancien chef de milice congolais, Germain Katanga, condamné en 2014 à douze années de détention. Le total des préjudices physiques, matériels et psychologiques a été estimé à 3,75 millions d'euros.
Le Fonds au profit des Victimes a ensuite déposé fin juillet, quatre mois plus tard, un projet de plan de mise en oeuvre de ces réparations, avec des propositions d'activités, que la Cour doit maintenant examiner de même que les observations des représentants légaux des victimes et de la défense attendues début septembre.
Mais dans le cadre de la destruction des mausolées de Tombouctou, appliquer l'ordonnance de réparations ne sera pas une mince affaire et pourrait prendre un temps considérable en raison de la situation sécuritaire au nord du Mali, selon le Fonds, qui a déjà demandé aux juges de disposer "d'au moins six mois" pour produire un plan d'exécution provisoire.
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