Nourrie par le fossé considérable entre riches et pauvres, l'insurrection maoïste avait éclaté quelques mois avant que le premier homme ne marche sur la Lune. Aujourd'hui, elle se poursuit bon gré mal gré alors même que l'économie de l'archipel connaît l'une des croissances les plus fortes du monde.
"Il y a un vivier important de jeunes prêts à s'engager dans la guerre du peuple, même s'il faut encore 100 ans" pour réussir, dit Jaime Padilla, 70 ans, l'un des hommes les plus recherchés des Philippines, lors d'un rare point de presse devant une poignée de journalistes.
Padilla a rejoint les rangs de la Nouvelle armée du peuple (NPA) quelques années après le début de la rébellion à la fin des années 1960. Il balaye la menace brandie par le président Rodrigo Duterte de cesser les négociations de paix.
Tout juste arrivé au pouvoir en 2016, le président avait lancé des pourparlers avec les maoïstes et les espoirs étaient grands de voir la fin d'un conflit qui a fait 30.000 morts, selon les estimations de l'armée.
Mais en juillet, un Duterte très remonté a dit qu'il n'y aurait plus de négociations car la NPA continue d'extorquer de l'argent aux entreprises et à tendre des embuscades aux forces de sécurité.
Le frêle leader communiste est un ancien agriculteur dont le nom de guerre est "Ka (camarade) Diego". D'après l'armée, il dirige le commandement Melito Glor, l'une des plus importantes unités de la NPA, la branche armée du Parti communiste forte de 3.800 membres.
Son unité opère dans le sud de l'île de Luçon, coeur industriel des Philippines proche de la capitale Manille. Elle attaque généralement des avant-postes militaires reculés et s'empare des armes des soldats et policiers morts.
Elle impose aussi "l'impôt révolutionnaire" aux grandes centrales énergétiques comme aux petits élevages porcins, et aux hommes politiques, raconte Padilla.
Les guérilleros dorment dans des hamacs, aident les paysans pendant la récolte, et disparaissent dans la jungle lorsque les militaires approchent en nombre. Ils préfèrent s'en prendre aux plus petites unités, selon les explications du chef communiste.
Faucille et marteau
Le point de presse était organisé sur une colline ceinte de bananiers sauvages, à environ deux heures de marche d'un hameau pauvre qui cultive le cocotier.
La cinquantaine de combattants armés qui accompagnent Padilla portent des uniformes kaki inspirés du fondateur de la République populaire de Chine, Mao Tsé-toung, parrain idéologique du mouvement.
La plupart arborent sur le visage un épais maquillage rouge avec, en jaune, le logo communiste, la faucille et le marteau, afin de masquer leur identité.
Les rebelles sont relativement peu nombreux mais les articles abondent sur leurs attaques contre des soldats ou des policiers à travers l'archipel.
En juillet, six policiers et un civil ont été tués dans l'île centrale de Negros, selon la police. Des combattants communistes ont également blessé cinq gardes du corps de M. Duterte dans le sud.
Si les communistes veulent la poursuite des négociations de paix, qui se déroulent en Europe, ils sont aussi prêts à se battre, prévient Padilla.
"Cela fait 50 ans qu'on se bat. Qu'importe s'il nous faut encore 50 ans", dit-il, montrant au moyen d'un logiciel de présentation les données opérationnelles de son unité, aidé d'une combattante d'une vingtaine d'années.
Les attaques rebelles relèvent de la "légitime défense", assure-t-il.
De la même manière, "l'impôt révolutionnaire" - 2% de tout investissement - est légitime à ses yeux. Les entreprises qui refusent de payer sont "durement punies", et leur matériel souvent incendié.
Extorsion
Cet argent est vital pour la survie du mouvement.
D'après le porte-parole de l'armée, le général Restituto Padilla (sans lien de famille avec le rebelle communiste), cela représente deux milliards de pesos annuels (33,5 millions d'euros). C'est de l'"extorsion" pure, dit-il.
"Cela paralyse l'économie locale, les gens restent pauvres et c'est d'autant plus facile de les recruter. C'est un cercle vicieux".
L'une des raisons majeures de l'endurance de l'insurrection alors que le marxisme a disparu presque partout ailleurs, est une économie qui a créé d'énormes richesses mais laissé au bord de la route des dizaines de millions de personnes.
Pendant le plus clair de la décennie passée, le taux de croissance annuel a dépassé les 6%. Mais 22 millions de Philippins, soit un sur cinq, gagnent un dollar ou moins chaque jour, selon les statistiques officielles.
En raison de la faiblesse des salaires, la NPA est une option viable, même pour les jeunes qui sortent de l'université, dit Jaime Padilla.
Une combattante de 25 ans qui se fait appeler Ka Kathryn explique à l'AFP avoir rejoint la NPA voici cinq ans quand son père ingénieur a été licencié pour avoir monté un syndicat dans son entreprise.
"Nous affrontons un ennemi qui commet des atrocités contre le peuple", dit Kathryn. Elle voulait devenir présentatrice de télévision mais arbore aujourd'hui un fusil d'assaut M-16. "Face à eux, il faut résister debout, pas se terrer dans la peur".
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