Chaque fin d'après-midi, des milliers de personnes assistent à la cérémonie militaire haute en couleurs de fermeture de la frontière entre les deux pays à Wagah (nord). Mais cette semaine, les parades millimétrées et les claquements de bottes auront un écho particulier alors que les deux nations marquent le 70e anniversaire de la Partition de 1947.
Cet événement, l'une des plus importantes migrations humaines de tous les temps, a laissé un traumatisme durable dans les esprits du sous-continent. Entre un et deux millions de personnes ont perdu dans la vie dans le démantèlement de l'empire colonial britannique des Indes en deux nations distinctes, l'une à majorité hindoue et l'autre à majorité musulmane.
À Wagah, à proximité de la ville d'Amritsar dans le Pendjab indien, la discorde entre New Delhi et Islamabad est illustrée chaque soir par la confrontation théâtrale entre soldats indiens et pakistanais.
Au coucher du soleil, sous les vivats d'un public surchauffé, les militaires des deux armées s'affrontent.
À tour de rôle, soldats indiens et pakistanais, parés de coiffes traditionnelles, démontrent leur agilité en termes de levers de jambes, gonflent les muscles et la poitrine, le tout les yeux dans les yeux.
Les drapeaux nationaux sont abaissés, deux soldats se serrent la main avec un sourire forcé. Les portes se referment.
Si cette cérémonie, malgré son côté martial, reste somme toute inoffensive, plus au nord, la mort poursuit en revanche son oeuvre.
Au Cachemire, région himalayenne disputée dont les deux pays revendiquent l'intégralité et divisée de facto entre eux, la ligne de cessez-le-feu est en état d'alerte permanente. Bombardements et tirs transfrontaliers y font ces temps-ci des victimes presque quotidiennement.
Quelques jours à peine avant l'anniversaire de la Partition, côté pakistanais, une femme de la famille de Muhammad Haseeb a ainsi été abattue alors qu'elle travaillait dans un champ de le secteur de Nakyal.
"Nous ne savons pas quand nous tomberons sous une balle", raconte le jeune homme de 28 ans.
Côté indien, ce sont des dizaines de milliers de civils qui ont perdu la vie depuis trente ans dans la vallée du Cachemire, agitée par une insurrection séparatiste qui découle du conflit indo-pakistanais.
Rien que cette année, 40 insurgés ont été tués - selon les autorités indiennes - en tentant de s'introduire clandestinement dans la partie indienne du Cachemire. New Delhi accuse Islamabad de soutenir en sous-main la rébellion armée dans cette région poudrière, ce que dément le pouvoir pakistanais.
- Nouvelle génération -
Depuis un an et demi, les relations indo-pakistanaises sont particulièrement exécrables et aucune amélioration ne semble en vue.
Le mandat du Premier ministre indien Narendra Modi, élu en 2014, avait pourtant commencé par un réchauffement des liens avec Islamabad, culminant avec une visite surprise du leader nationaliste hindou au Pakistan à Noël 2015.
Mais une attaque contre une base militaire par un groupe jihadiste basé au Pakistan puis une série de crises ont fait s'effondrer les fragiles avancées entre les deux pays.
Symbole de ces tensions: les équipes indienne et pakistanaise de cricket, sport roi dans cette partie du monde, ne se sont pas affrontées en test-match de cinq jours depuis 2007.
"Tant qu'il y aura une Inde hindoue qui se pose miroir d'un Pakistan musulman, je ne vois aucune chance de réconciliation", estime Mani Shankar Aiyar, un ex-diplomate indien qui a été en poste au Pakistan.
Pour l'analyste politique pakistanais Hasan Askari, les relations indo-pakistanaises ont atteint un plus bas.
"La crispation actuelle entre l'Inde et le Pakistan est contre nature. Donc je ne pense pas qu'elle se maintiendra ainsi dans le futur", dit-il à l'AFP.
D'après lui, le blocage actuel vient de la fixation de l'Inde sur le dossier des mouvements jihadistes basés au Pakistan, qui empêche le règlement de tous les autres points de contention.
"Cela signifie qu'il n'y a presque aucune possibilité de dialogue dans un futur proche car le gouvernement pakistanais est incapable d'assurer à ses propres citoyens qu'il n'y aura pas d'activité terroriste (sur son sol), donc impossible de parler d'engagement envers l'Inde", juge-t-il.
Loin de la politique et des postures diplomatiques, Guneeta Singh Ballah, fondateur de l'ONG 1947 Partition Archive, place elle son espoir dans les jeunes générations des deux côtés de la frontière.
"La génération qui n'a pas connu la mort et la destruction (de 1947) nourrissait plus de haine envers l'autre camp que leurs parents", explique cette femme qui a recueilli le témoignage de milliers de survivants de la Partition.
Mais, "je pense que la nouvelle génération est plus résolue à tourner la page du passé", pondère-t-elle.
sq-ds-bb-tw/cc/amd/at
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