Le reste de la population de Nairobi, capitale de l'économie la plus dynamique d'Afrique de l'est qui a des allures de ville morte depuis le scrutin du 8 août, pourrait mettre à profit ce répit pour reprendre une activité à peu près normale.
Ses habitants, comme tous les Kényans, ont suivi à la maison, heure par heure, l'évolution de la situation et notamment des violences qui ont fait au moins 16 morts - dont une fille de neuf ans - dans le pays entre l'annonce vendredi soir de la victoire de M. Kenyatta et samedi soir.
Après l'appel aux Kényans à reprendre le travail lancé par le ministre de l'Intérieur Fred Matiangi, qui avait assuré que la situation était sous contrôle, la vie avait déjà lentement repris un cours à peu près normal dimanche, la tension ayant baissé d'un cran.
Les bidonvilles de Kibera, Mathare, et Kawangware, dans la capitale, qui avaient concentré avec la ville de Kisumu (ouest) l'essentiel des violences entre manifestants et policiers, étaient restés relativement calmes.
Mais les violents affrontements dans la soirée à Mathare entre des membres de l'ethnie luo de M. Odinga et des partisans kikuyu du président Kenyatta, qui ont fait au moins deux blessés graves, ont rappelé combien la situation demeurait précaire.
Avant cet incident, dont ont été témoins des photographes de l'AFP, M. Odinga avait rompu un silence de près de 48 heures en s'adressant devant des milliers de supporteurs en liesse à Kibera et Mathare.
Des options limitées
"Nous n'avons pas encore perdu. Nous n'abandonnerons pas. Attendez que j'annonce la marche à suivre après-demain (mardi)", avait-il déclaré sous les applaudissements nourris.
"Parce que Jubilee (le parti au pouvoir, ndlr) a ses policiers et soldats partout, ne quittez pas vos maisons demain. N'allez pas au travail demain", avait-il ajouté, dénonçant une nouvelle fois une élection "volée".
M. Odinga entend donc dévoiler mardi sa stratégie. Mais ses options paraissent limitées, la coalition d'opposition Nasa qu'il dirige ayant pour le moment écarté de saisir la Cour suprême, comme elle l'avait fait en 2013, en vain.
A moins que les pressions internationales dont il fait l'objet ne le convainquent de faire marche arrière. L'ONU, l'Union européenne et Londres l'ont appelé à canaliser la colère de ses partisans et à faire valoir ses récriminations devant la justice.
La colère des partisans de l'opposition avait éclaté dès l'annonce vendredi de la victoire de M. Kenyatta, avec 54,27% des voix, contre 44,74% à M. Odinga, au terme d'un scrutin pourtant annoncé serré par les instituts de sondage.
L'opposition affirme que le score de M. Kenyatta est le fruit d'une manipulation du système électronique de transmission et de comptage des voix utilisé par la Commission électorale, et censé précisément prévenir les irrégularités.
La dernière bataille
Mais les missions d'observation internationales ont globalement salué la bonne tenue des élections. Et le groupe d'observateurs indépendants kényans ELOG, qui avait déployé 8.300 personnes sur le terrain, a publié des conclusions "cohérentes" avec les résultats officialisés par la Commission.
Quelle que soit la stratégie adoptée, M. Odinga, qui à 72 ans livre probablement sa dernière grande bataille après ses trois précédents échecs à la présidentielle (1997, 2007, 2013), sait que ses plus fervents partisans s'en remettront sans hésiter à sa parole.
"Nous étions préoccupés car nous ne connaissions pas la marche à suivre", a témoigné dimanche l'un d'entre eux, Duncan Nyamo, après la harangue de M. Odinga à Kibera. "Maintenant, nous sommes prêts, quoi qu'il arrive. Nous sommes prêts à mourir."
Les incidents observés cette semaine mettent de nouveau en lumière les vieilles rancoeurs inter-communautaires qui avaient nourri les violences post-électorales ayant fait plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés en 2007-2008, après la réélection de Mwai Kibaki, déjà contestée par M. Odinga.
Mais le contexte des élections diffère tout de même de celui d'il y a dix ans. Les violences sont pour l'instant circonscrites aux bastions de l'opposition et seule l'ethnie Luo semble par ailleurs se mobiliser.
Il n'est pas sûr que M. Odinga puisse compter sur une Nasa entièrement unie derrière lui. Les Kamba et Luhya notamment, des ethnies alliées au sein de la coalition, sont restées à l'écart des violences et leurs leaders sont d'une absolue discrétion.
Vendredi soir, M. Kenyatta, au pouvoir depuis 2013, avait appelé M. Odinga à "travailler ensemble" pour "faire grandir ce pays". Celui-ci n'a pas donné l'impression qu'il était disposé à saisir la main tendue, mais il a encore le temps de s'y résigner.
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