"Le gouvernement libyen de Fayez al-Sarraj a demandé l'aide de l'Italie et il est prêt à mettre en place la zone Sar dans ses eaux, collaborer avec l'Europe et investir dans les garde-côtes: tout ceci est signe d'un rééquilibrage en cours en Méditerranée", a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères Angelino Alfano, dans un entretien paru dimanche dans le quotidien La Stampa.
La marine libyenne a annoncé jeudi la création au large du territoire d'une zone de recherche et de sauvetage, qu'elle interdit sauf autorisation aux navires étrangers, en particulier aux ONG patrouillant pour secourir des migrants.
Médecins sans frontières (MSF) a indiqué samedi qu'elle suspendait temporairement les activités du "Prudence", le plus gros des navires de secours aux migrants en Méditerranée, à la suite de cette interdiction.
Seuls deux navires d'ONG, le "Sea Eye" et "SOS Méditerranée", étaient encore positionnés samedi au large des côtes libyennes, tous les autres étant à quai essentiellement à Malte.
Mais dimanche, l'ONG allemande Sea Eye a annoncé à son tour une suspension de ses opérations, une décision prise "le coeur lourd" en raison d'une "menace explicite aux ONG privées". "Nous laissons un vide mortel en Méditerranée", a aussi estimé son fondateur, Michael Buschheuer, en soulignant que son organisation avait sauvé environ 12.000 personnes en Méditerranée depuis avril 2016.
En revanche "L'Aquarius" -navire affrété par SOS Méditerranée et MSF- se trouvait encore dimanche tout près des côtes libyennes au large de Tripoli, dans la zone Sar, selon un journaliste de l'AFP à bord. Il pouvait apercevoir non loin en milieu de journée le "C-Star", bateau affrété par le groupe d'extrême droite français "Génération identitaire".
Pour Angelino Alfano, la moindre présence des ONG, accusées par leurs détracteurs d'être devenues des "taxis" de migrants, est plutôt positive. "La décision de MSF rentre aussi dans le cadre d'un réajustement des équilibres: ces eaux ne sont plus à personne, mais sont celles de la Libye", a-t-il lancé.
Et selon lui, "les enquêtes de quelques procureurs siciliens ont créé le contexte +culturel+ approprié pour obtenir le code des ONG". Rome, soutenu par l'UE, vient de négocier avec les ONG un code de conduite pour les sauvetages signé désormais par la majorité des organisations.
Parallèlement, une enquête du parquet de Trapani (ouest de la Sicile) a mené à la saisie du bateau de l'ONG allemande Jugend Rettet, sur des soupçons de liens directs avec des trafiquants au large de la Libye avec des photos à l'appui.
Quatre personnes au total ont été citées dans cette enquête: deux commandants, un membre d'équipage, ainsi qu'un prêtre érythréen très actif dans l'aide aux migrants. L'enquête porte aussi sur des opérations de secours menées par les ONG Médecins sans frontières et Save the children.
"Nous avons fait deux choix: celui de soustraire des gains criminels aux trafiquants -parce que moins il y a de personnes qui partent, moins cela rapporte aux trafiquants- et celui de financer les agences de l'Onu -l'UNHCR et l'OIM- pour assurer des normes respectueuses des droits humains dans les camps libyens", a insisté M. Alfano.
Le chef de la diplomatie italienne semble aussi donner raison à l'homme fort de l'Est libyen, Khalifa Haftar, qui a estimé à "20 milliards de dollars sur 20 ou 25 ans" l'effort européen nécessaire pour aider à bloquer les flux de migrants à la frontière sud du pays, dans un entretien paru samedi dans la presse italienne.
"On a besoin d'un énorme, je répète un énorme, investissement économique de l'Europe en Libye et en Afrique. L'Europe doit décider si le thème des migrations est une priorité absolue à l'instar de l'économie. Pour nous, ça l'est", a conclu M. Alfano.
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