La séquence récente semblait à l'avantage de la diplomatie américaine, avec une tournée asiatique de son chef pour tenter d'isoler Pyongyang et l'adoption à l'ONU d'une résolution durcissant les sanctions contre le régime de Kim Jong-Un, décidé à se doter d'armes nucléaires capables d'atteindre les Etats-Unis.
"Normalement, après l'adoption de telles sanctions, il faudrait se donner du temps pour voir si elles marchent et parallèlement explorer les possibilités de dialogue", relève James Schoff, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace.
Mais les déclarations du président américain sont venues "perturber le processus diplomatique", dit cet universitaire à l'AFP.
Coup sur coup, mardi et mercredi, Donald Trump a promis aux Nord-Coréens le "feu" et la "colère" en cas de nouvelles "menaces envers les Etats-Unis", puis a appuyé son propos en vantant un arsenal nucléaire américain "plus puissant" que jamais.
Rapidement, Rex Tillerson a tenté de réfuter toute "menace imminente" et de décrypter les déclarations présidentielles: Donald Trump a envoyé "un message fort" avec "des mots que Kim Jong-Un peut comprendre".
C'est ensuite le ministre de la Défense Jim Mattis qui a mis en garde Pyongyang contre des "actions qui mèneraient à la fin de son régime et à la destruction de son peuple" tout en étant "à chaque fois largement surpassées" par celles des Etats-Unis.
'Messages contradictoires'
Ce seraient donc les "actions" nord-coréennes qui engendreraient une riposte américaine, et pas de simples "menaces" comme l'a laissé craindre Donald Trump, analysent les experts interrogés par l'AFP, même si le département d'Etat a assuré que l'administration américaine parlait "d'une seule voix".
Rex Tillerson et Jim Mattis "sont intervenus pour tenter de traduire" des propos tonitruants "en déclarations normales", estime Jeffrey Lewis, chercheur à l'Institut Middlebury des études internationales.
Le résultat est une sorte de partage des rôles entre les "gentils flics" Tillerson et Mattis et le "méchant flic" Trump. Mais "ce n'est pas volontaire" et en tout cas "c'est très peu cohérent", déplore James Schoff.
Car, pour Lisa Collins, chercheuse au Center for Strategic and International Studies, les "menaces rhétoriques" du président "ne répondent pas à une stratégie" et "ne sont pas particulièrement utiles". "L'existence d'une menace militaire étrangère aide Kim Jong-Un à consolider son pouvoir", prévient-elle.
Et que doivent croire les alliés et ennemis de Washington: les bruits de bottes qui émanent de la Maison Blanche ou la petite musique que tente de faire entendre le secrétaire d'Etat ? Dans son style peu médiatique, Rex Tillerson parle en effet de "pression pacifique", assure que son administration ne veut ni la chute ni l'effondrement du régime nord-coréen et évoque la possibilité d'un futur "dialogue", quand bien même à condition que Pyongyang abandonne son programme nucléaire.
Ces "messages contradictoires" risquent de provoquer une "erreur" d'analyse chez certains protagonistes, et un "incident" qui "dégénérerait en un conflit qui pourrait maintenant devenir nucléaire", redoute Daryl Kimball, directeur de l'association Arms Control.
Jeffrey Lewis veut croire que les autres puissances prêteront l'oreille au message du secrétaire d'Etat, au nom d'une "tradition dans la diplomatie qui veut qu'on écoute la personne que l'on préfère".
Cet universitaire pense en effet que malgré l'escalade verbale, "il n'y a pas de place pour autre chose que pour la diplomatie" puisque "la fenêtre pour attaquer la Corée du Nord ou la convaincre de renoncer" à l'arme nucléaire "s'est refermée".
Il faudra donc, in fine, aboutir à des négociations plus ou moins directes avec Pyongyang, estiment tous les experts interrogés par l'AFP. Cela peut commencer par de petits pas, comme une solution pour les trois Américains détenus par la Corée du Nord ou un gel des tests balistiques et nucléaires. Mais le but ultime est "d'éviter une guerre nucléaire", dit Jeffrey Lewis.
Le vrai obstacle, pour Lisa Collins, est le désaccord total sur le contenu d'éventuelles discussions, Washington réclamant la "dénucléarisation" de son ennemi qui espère de son côté une "reconnaissance de son statut de puissance nucléaire".
"La voie diplomatique est très étroite", conclut James Schoff.
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