Les autorités le reconnaissent: dans cette vallée des fleuves Apurimac, Ene et Mantaro (Vraem, centre), une région montagneuse et boisée, presque toute la production de feuilles de coca - traditionnellement mastiquées et infusées dans les Andes pour lutter notamment contre la fatigue - est destinée au narcotrafic.
Pour revenir dans la légalité, les agriculteurs ont décidé de miser sur d'autres cultures.
"Nous cherchons à promouvoir la route du cacao indigène biologique", explique ainsi Ivan Cisneros, maire de la petite ville de Rio Tambo, à laquelle on n'arrive qu'après avoir navigué cinq heures en barque sur le fleuve Ene.
Il raconte que ce cacao part ensuite en Angleterre, via une coopérative formée par des indiens Ashaninkas d'Amazonie, et à des prix avantageux, 9,5 soles (3 dollars) par kilo, le double du tarif habituel.
La production "va aussi aux Pays-Bas, en Suisse, pour une clientèle très exigeante sur la qualité", selon M. Cisneros.
A l'inverse, le prix de la feuille de coca produite dans le Vraem a chuté à mesure que s'intensifiait la lutte contre le narcotrafic. De 50 dollars l'arrobe (11,5 kilos) en 2015, il est tombé à 25 dollars en 2016, soit 2,1 dollars le kilo.
En tournant le dos à cette culture, les agriculteurs font aussi un choix plus sûr.
"La feuille de coca a provoqué de nombreux problèmes, nous avons même été menacés", raconte Tomas Bardales, indigène Ashaninka de la communauté Quempiri. "Donc, pour éviter les problèmes, il est préférable de planter du cacao".
A Rio Tambo, Javier Sedano a lui opté pour le café biologique, qu'il exporte aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine. "Nous voulons vivre une vie tranquille, nous ne voulons pas avoir de problèmes avec l'Etat, et nous voulons cultiver un produit autorisé, un produit légal, et que ce ne soit pas la feuille de coca".
Narcotrafic et guérilla
Le choix de ces deux alternatives n'est pas anodin: si le Pérou est le deuxième producteur mondial de feuilles de coca, après la Colombie, il est aussi l'un des principaux exportateurs de café et de cacao.
"La feuille de coca, ce n'est pas une activité légale, c'est le marché noir. Le narcotrafic a financé le terrorisme. Nous avons choisi de l'éradiquer", explique l'agriculteur Manuel Aguilar, 50 ans, président de la Coopérative agro-écologique de la Valle du fleuve Ene.
Manuel précise que sa conversion au cacao, qu'il exporte en Suisse, est aussi due à l'impulsion de la Commission nationale pour le développement et la vie sans drogues (Devida).
L'objectif du gouvernement, dans le Vraem, est de réduire de moitié les surfaces de culture de la coca d'ici cinq ans. Selon Devida, le Pérou compte actuellement au moins 55.000 hectares consacrés à cette culture, dont 90% alimente le narcotrafic.
La vallée souffre aussi de la violence des derniers membres actifs de la guérilla maoïste du Sentier lumineux. Selon la présidente exécutive de Devida, Carmen Masias, ils agissent comme tueurs à gages pour le compte des narcotrafiquants.
En misant sur le café et le cacao, "la population dans cette zone entrevoit la possibilité de vivre dans un climat de paix et de développement", souligne à l'AFP le directeur de promotion et surveillance de Devida, José Chuquipul.
Car "les régions sans présence de l'Etat mais où l'on trouve la culture de la coca et le narcotrafic sont des régions de violence et de problèmes sociaux", ajoute-t-il.
Entre 2012 et 2016, Devida est parvenu à implanter 2.071 hectares de cacao dans le département de Satipo, au sein du Vraem, permettant une production totale de 800 tonnes par an. Il a aussi permis l'installation de 870 hectares de café.
"Nos grands-parents avaient la coca pour la mastiquer. Mais ensuite les problèmes sont arrivés, les drogues, le narcotrafic (...) Maintenant nous travaillons le cacao, de manière légale et tranquille", se réjouit Tomas Bardales.
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