Au lendemain de l'élection, la police a tiré des grenades lacrymogènes contre des centaines de manifestants rassemblés dans des fiefs de l'opposition coutumiers de ce genre d'échauffourées en période électorale, notamment à Kisumu (ouest).
Mais dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, la police a aussi tiré à balle réelle, tuant au moins deux personnes.
Le chef de la police de Nairobi a assuré qu'ils avaient tenté d'attaquer des policiers "avec des machettes". Une source policière requérant l'anonymat a dit qu'ils faisaient partie d'un groupe venu manifester, au sein duquel se seraient trouvés des voleurs profitant du chaos.
Dans le comté de Tana River (sud-est), des hommes armés de couteaux ont attaqué un bureau de vote où le comptage était encore en cours. Deux d'entre eux ont été tués par la police. "Nous n'avons pas encore établi le mobile", a déclaré Larry Kieng, chef régional de la police, interrogé sur une possible attaque des islamistes somaliens shebab, très actifs dans la zone.
La Commission électorale (IEBC) a publié mercredi en soirée les résultats transmis électroniquement par près de 97% des bureaux de vote, créditant le président sortant Uhuru Kenyatta de 54,31% des suffrages, contre 44,81% pour Raila Odinga, sur un total de 14,7 millions de votes comptabilisés. Ces résultats provisoires doivent encore être validés sur la foi des procès-verbaux des bureaux de vote.
"Il s'agit d'une fraude d'une gravité monumentale, il n'y a pas eu d'élection", a dénoncé Raila Odinga. Ces accusations, combinées aux manifestations, font ressurgir le spectre des violences de la présidentielle de 2007.
Selon le rival de M. Kenyatta, des pirates informatiques ont "manipulé" le système de comptage des voix grâce aux codes d'accès d'un responsable informatique de la Commission électorale assassiné un peu plus d'une semaine auparavant.
Ces allégations ont cependant été démenties en soirée par l'IEBC. "Notre système de gestion des élections est sécurisé. Il n'y a eu aucune interférence interne ou externe à notre système, à quelque moment que ce soit, avant, pendant ou après le vote", a affirmé Ezra Chiloba, le directeur exécutif de la commission.
M. Odinga a également appelé les Kényans au calme avant toutefois d'ajouter: "Je ne contrôle pas le peuple".
Barricades et pneus brûlés
Le président de l'IEBC, Wafula Chebukati, a souligné que la collecte des copies originales des procès-verbaux de chacun des bureaux de vote, en vue de la publication des résultats "définitifs", pourrait prendre plusieurs jours.
Pendant ce temps, à Kisumu (ouest), un des bastions de l'opposition, des centaines de partisans de M. Odinga ont érigé des barricades et brûlé des pneus. "Si Raila n'est pas président, nous ne pouvons pas avoir la paix", a vitupéré l'un d'eux avant que les gaz lacrymogènes de la police ne dispersent la foule.
A Nairobi, la police anti-émeute, déployée dans plusieurs bidonvilles, est intervenue à Mathare et Huruma, dans le nord-est de la capitale.
Les missions d'observation internationales, dont celles de l'Union européenne et de l'Union africaine, ont appelé dans un communiqué commun "tous les citoyens kényans à rester engagés envers la paix et l'intégrité du processus électoral".
Candidat pour la quatrième fois à la présidentielle, M. Odinga avait crié à la fraude en 2007 à l'annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait alors plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière ayant fait 1.100 morts et plus de 600.000 déplacés.
En 2013, il avait également contesté le résultat, finalement validé par la Cour suprême.
Acrimonieuse
En amont du scrutin, accompagné du déploiement sans précédent de plus de 150.000 membres des forces de sécurité, de nombreux observateurs avaient exprimé leur crainte de troubles à l'annonce des résultats. La campagne 2017 a été acrimonieuse, l'opposition accusant le pouvoir de préparer des fraudes.
Les opérations de vote se sont pourtant déroulées sans encombre mardi dans la plupart des 41.000 bureaux. Malgré quelques problèmes localisés, le système d'identification biométrique des électeurs a fonctionné, contrairement à quatre ans plus tôt.
Les quelque 19,6 millions d'électeurs kényans devaient aussi élire leurs députés, gouverneurs, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l'Assemblée.
Le vote au Kenya se joue plus sur des sentiments d'appartenance ethnique que sur des programmes, et MM. Kenyatta (un Kikuyu) et Odinga (un Luo) avaient mis sur pied deux puissantes alliances électorales.
M. Kenyatta, 55 ans, et son vice-président William Ruto (un Kalenjin) avaient mis en avant leur bilan économique, notamment le développement des infrastructures. Raila Odinga a dénigré ce bilan, se posant en garant d'une croissance économique mieux partagée.
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