"Il s'agit d'une fraude d'une gravité monumentale, il n'y a pas eu d'élection", a déclaré à la presse Raila Odinga, le candidat de la coalition d'opposition Nasa.
Selon le rival de M. Kenyatta, des pirates informatiques ont "manipulé" l'élection à l'avantage du président sortant en prenant le contrôle du système de comptage des voix grâce aux codes d'accès d'un responsable informatique de la Commission électorale assassiné un peu plus d'une semaine auparavant.
"Uhuru doit rentrer chez lui", a tancé celui qui avait également contesté ses défaites en 2007 et 2013.
La Commission électorale (IEBC) avait publié mercredi matin les résultats de 93,5% des bureaux de vote, créditant M. Kenyatta de 54,4% des suffrages, contre 44,74% pour Raila Odinga, sur un total de 14,1 millions de votes exprimés comptabilisés.
Dans la nuit de mardi à mercredi, M. Odinga avait déjà rejeté ces résultats provisoires et reproché à l'IEBC de ne pas lui communiquer les procès-verbaux susceptibles de corroborer les résultats transmis électroniquement et diffusés sur le site internet de la commission.
Mercredi, il a soutenu être en tête de l'élection. Il a également appelé les Kényans au calme avant toutefois d'ajouter: "Je ne contrôle pas le peuple".
Pendant ce temps, à Kisumu (ouest), un des bastions de l'opposition, plusieurs dizaines de partisans de M. Odinga s'étaient rassemblés et ont brûlé des pneus à un rond-point de cette ville située sur les bords du lac Victoria. La police anti-émeute est intervenue, utilisant notamment du gaz lacrymogène pour disperser les manifestants.
Crainte de violences
Vétéran de la politique kényane et candidat pour la quatrième fois à la présidentielle, M. Odinga avait crié à la fraude en 2007 à l'annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait alors plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière ayant fait 1.100 morts et plus de 600.000 déplacés.
En 2013, M. Odinga avait dénoncé des fraudes après la victoire dès le premier tour de M. Kenyatta, en s'appuyant sur la faillite du système électronique. Il avait saisi la Cour suprême, qui avait tout de même validé les résultats.
Mercredi matin, les rues de Nairobi étaient anormalement calmes, même si les magasins fermés le jour du scrutin rouvraient progressivement. Dans le bidonville de Kibera, largement acquis à l'opposition, plusieurs véhicules de la police anti-émeute ont été déployés.
En amont du scrutin, qui a donné lieu au déploiement sans précédent de plus de 150.000 membres des forces de sécurité, de nombreux observateurs kényans et internationaux avaient exprimé leur crainte de troubles à l'annonce des résultats de la présidentielle.
Car la campagne 2017 a été acrimonieuse, l'opposition n'ayant eu de cesse d'accuser le pouvoir de préparer des fraudes.
Pour l'emporter dès le premier tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue et plus de 25% des voix dans au moins 24 des 47 comtés du pays. Le taux de participation n'a pas été communiqué par l'IEBC.
Ferveur démocratique
Les opérations de vote s'étaient déroulées sans encombre mardi dans la plupart des 41.000 bureaux, devant lesquels de longues files d'attentes attestaient de la ferveur démocratique des Kényans.
Surtout, malgré quelques problèmes localisés, le système d'identification biométrique des électeurs a semble-t-il fonctionné normalement, contrairement à ce qu'il s'était passé il y a quatre ans.
L'opposition, qui n'avait pourtant pas ménagé ses critiques à l'encontre de l'IEBC lors de la campagne, s'était même dite dans un premier temps "largement impressionnée" par son travail.
Les quelque 19,6 millions d'électeurs Kényans devaient aussi élire leurs députés, gouverneurs, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l'Assemblée. Et selon les résultats provisoires, l'opposition semblait en passe de perdre le poste très convoité de gouverneur de Nairobi.
Mais c'est bien la présidentielle qui a suscité le plus de passions, elle qui opposait le fils du premier président du Kenya indépendant, Jomo Kenyatta, et le fils de Jaramogi Oginga Odinga, brièvement vice-président avant d'être écarté du pouvoir par Jomo.
Le vote au Kenya se joue plus sur des sentiments d'appartenance ethnique que sur des programmes, et MM. Kenyatta (un Kikuyu) et Odinga (un Luo) avaient mis sur pied deux puissantes alliances électorales.
M. Kenyatta, 55 ans, et son vice-président William Ruto (un Kalenjin) avaient mis en avant leur bilan économique: depuis 2013, le pays a aligné des taux de croissance à plus de 5% et développé ses infrastructures.
Raila Odinga a dénigré ce bilan, critiqué la hausse du pris des denrées alimentaires et s'est posé en garant d'une croissance économique mieux partagée.
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