Les jeunes membres de la ligue de l'"Union", qui trouvent dans le ballon rond une échappatoire salutaire à une situation précaire et un passé marqué par les déchirures, risquent l'expulsion.
Car aussi thérapeutique que soit le match de "soccer" hebdomadaire de ces ados écorchés vifs, ils n'en restent pas moins des immigrés clandestins aux yeux de l'administration américaine.
"Lorsque vous jouez au foot, vous n'êtes pas en train de penser à votre dossier d'immigration ou aux personnes qui vous veulent du mal dans votre pays ou qu'un juge pourrait vous expulser", se félicite Elvis Garcia Callejas, qui porte la double casquette d'entraîneur et d'avocat.
"Vous courrez après la balle, votre but principal c'est de gagner, de jouer en équipe et de passer du bon temps", ajoute-t-il.
Ce fan du Paris Saint-Germain et du FC Barcelone, âgé de 27 ans, a fondé la ligue en 2014, à l'époque où un record de 70.000 mineurs avaient traversé sans leurs parents le Rio Grande, qui constitue une frontière naturelle entre les Etats-Unis et le Mexique.
Elvis Garcia Callejas lui-même n'avait que 15 ans lorsqu'il avait dupé les douaniers américains pour débarquer à El Paso, au Texas.
Désormais avocat pour Catholic Charities, il écume les centres de détention à la recherche de mineurs originaires d'Amérique centrale qui pourraient avoir besoin d'aide.
Enfants à nouveau...
En 2014, il n'avait dans sa ligue que trois bambins du Honduras, qui devaient marquer entre deux poubelles.
La "Union League", qui regroupe désormais 50 adolescents, est aujourd'hui soutenue par le club local South Bronx United.
"Les enfants avec lesquels nous travaillons doivent grandir très rapidement", concède le coach Callejas. "Mais sur le terrain de foot, il peuvent être des enfants à nouveau".
Depuis 2014, plus de 200.000 ados et enfants sont arrivés du Mexique et d'Amérique centrale sans leurs parents aux Etats-Unis, selon les données officielles.
L'un d'eux, Teofilo Chavez, se rêve aujourd'hui en footballeur professionnel, trois ans après avoir quitté le Honduras à l'âge de 14 ans, pour venir vivre chez sa tante dans le Bronx.
Il faut dire que ce benjamin d'une fratrie de cinq n'avait pas mille options après le décès de sa grand-mère, qui l'élevait depuis la mort de sa mère.
Avec un frère, il a alors rallié le Rio Grande agrippé au toit d'un train de marchandises baptisé "La Bête", en raison du nombre de migrants qui y laissent la vie.
Une fois devant le fleuve, "j'ai nagé avec un sac de vêtements noué à mon poignet", se souvient-il.
"Ce sont les premiers amis que je me suis faits dans ce pays, une amitié éternelle", promet Teofilo Chavez, en parlant de ses coéquipiers.
Avec l'aide de son avocate Jodi Ziesemer, il est sur le point d'obtenir sa carte verte de résident permanent.
... en quête d'avenir
Mais quelque 60% des mineurs dans son cas doivent se présenter devant le juge sans conseil - le gouvernement ne prévoit pas d'avocat commis d'office -, une situation "ridicule" dénonce Me Ziesemer, qui défend environ 700 dossiers similaires.
"Ces enfants fuient des situations horribles, ils fuient des menaces de mort", s'emporte-t-elle, soulignant que le contexte s'est détérioré depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir, promettant d'expulser des millions de sans-papiers.
Sous les précédentes administrations, assure-t-elle, le ministère public était "bien plus coopératif" pour ce qui était des enfants "très jeunes, en thérapie ou présentant des complications médicales".
Teofilo Chavez, lui, termine son lycée dans le Bronx mais ne parvient pas à oublier le Honduras. Et lorsqu'il pense aux choses qui lui manquent le plus, il ferme les yeux: "La lueur du soleil, la plage, les noix de coco, mes amis, ma grand-mère, mon père, les plantations près de ma maison".
Le plus jeune joueur de la ligue est le timide Yefri, 15 ans, arrivé trois mois plus tôt du Guatemala avec son frère de 11 ans. Il n'a pas voulu donner son patronyme par crainte que son dossier d'immigration en pâtisse.
"Je suis venu en quête d'un avenir, parce que dans mon pays il n'y en a pas", jure l'adolescent dont les cicatrices rappellent le gang qui voulut le recruter.
En arrivant aux Etats-Unis, il a retrouvé sa mère, qu'il n'avait pas vue depuis neuf ans et qui est désormais sa première fan au bord du terrain.
"Ces gamins ont tous eu une expérience similaire, ils se comprennent et s'aident les uns les autres", se réjouit celle-ci. "C'est vraiment une union, c'est une chose fantastique".
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